Selon le dernier rapport sur le vieillissement de l’organisation mondiale de la sante préfacé par sa
directrice Mme le docteur Margaret Chan (2015), le vieillissement des populations s’accélère
rapidement dans le monde entier. Pour la premier fois dans l’histoire, la plupart des gens peuvent
espérer vivre jusqu’à 65 ans et même au-delà. Les répercussions sur la santé, les systèmes de santé,le personnel de santé et les budgets sont considérables.
Depuis trois décennies, l’espérance de vie des populations des pays industrialisés ne cesse de s’accroitre. Par exemple en France, non seulement l’espérance de vie moyenne actuelle dépasse les 82 ans mais les observations et les analyses des démographes s’accordent à dire que l’on gagne aussi
un trimestre d’espérance de vie à chaque année. En 2018, la tranche des plus de 65 ans avoisine les 20% selon l’INSEE.
Devant l’amélioration des conditions économiques et des conditions de vie ainsi qu’une meilleure accessibilité aux structures de santé après leur indépendance, les pays du Maghreb ne sont pas épargnés eux aussi par le phénomène du vieillissement de leur population. En Algérie, la transition démographique est déjà enclenchée comme le confirme les données des différents recensements généraux de la population ainsi que celles de l’office national des statistiques. La tranche d’âge des
plus de 60 ans est proche des 10 %, l’espérance de vie à la naissance des algériennes est au-delà des 78 ans (77 ans pour les hommes). .
Ainsi cette nouvelle situation démographique nous interpelle. Le défi majeur des politiques de santé publique s’orientera davantage sur des actions de prévention et de meilleurs prise en charge des maladies chroniques comme le diabète, l’hypertension artérielle, les maladies neuro dégénératives
et les cancers. De nouvelles réflexions et décisions doivent être rapidement élaborées dont la finalité est de mettre en place des dispositifs d’aide à la personne âgée fragile ou qui risque de sombrer dans la dépendance, et qui permettra de préserver la qualité de vie. Les orientations socio-économiques
doivent tenir compte par exemple aussi du financement des soins, de la dépendance à plus forte raison que l’on voit augmenter le nombre de certaines pathologies avec l’avance en âge (maladie Alzheimer, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, certains cancers, troubles sensoriels…). Le
régime des retraites doit être repensé et serait-il pertinent de partir en retraite dès 55 ans ou 60 ans,
alors que la personne est en excellente santé et qu’il lui reste à vivre en moyenne au moins 20 à 25 ans ?
En effet, le vieillissement de l’individu peut prendre une trajectoire différente d’une personne à une autre. Il est déterminé par des facteurs intrinsèques non ou très peu modifiables et par des facteurs
extrinsèques majoritairement environnementaux et souvent modifiables. Pour le gériatre qui souvent prend en charge des personnes de plus de 70 ans, l’approche bio physique du vieillissement permet de distinguer facilement 3 types et modèles de vieillissement : le vieillissement robuste ou
réussi auquel nous devons tous converger le long de notre existence, le vieillissement standard ou usuel et enfin le vieillissement pathologique que nous devons tous prévenir et éviter. (1)
Un vieillissement optimum de l’individu est possible en veillant à repérer et à corriger d’une part rapidement une situation de fragilité, d’autre part veillé à renforcer ses capacités fonctionnelles après chaque évènement ou maladie aigue.
Au fur et à mesure que la personne avance en âge, plus le risque de voir apparaitre une polypathologie et polymédication est important. Nous devons quotidiennement veiller à une bonne alimentation et hydratation qui préserveront ou diminueront inéluctablement les effets iatrogènes
et délétères des médicaments. Aussi il ne faut surtout pas perdre de vue la malnutrition ou la dénutrition, surtout si elle est sévère, qui est l’une des causes de dérèglement de l’immunité qui laisse la personne âgée très vulnérable aux infections graves telle que les broncho pneumopathies.
Entre autre, la vaccination anti grippale et anti pneumoccoccique pratiquées chaque début d’automne a un rôle plus que déterminant dans la diminution de la mortalité de nos ainés.
La vulgarisation d’un vieillissement en bonne santé passe obligatoirement par le maintien et la restitution des réserves fonctionnelles en réponse à chaque agression physique ou psychologique. La préservation de son autonomie ne saurait se passer de la pratique d’une activité physique journalière
(40 minutes de marche soutenue/jour) qui permet d’améliorer sa force musculaire, de lutter contre la sarcopénie et l’ostéoporose. Un rôle important doit être également donné à l’ancrage social et à lutter contre l’isolement du grand âge en favorisant la proximité et l’échange intergénérationnel .
Il est temps qu’un nouveau regard positif sur la vieillesse soit « décrété » par les autorités gouvernementales de chaque pays. La vieillesse n’est pas une fatalité. Une part importante dans le changement de nos mentalités doit être guidé ou attribué aux médias et à tous les différents acteurs intervenants dans le champ de la gérontologie (para médicaux, médecins, enseignants, imams,
maires, administrations, architectes, urbanistes…. )Toutes les structures recevant des personnes âgées devraient faire un effort dans la perception de la vieillesse et améliorer leurs conditions d’accueil (aménagement des locaux, équipements adaptés ….) Il serait très illustrant et bénéfique de
s’inspirer par exemple du projet VADA (Ville Amie Des Ainés) initié par l’OMS en aout 2006 à Vancouver.
En Algérie, devant les nouvelles données démographiques, de nouvelles politiques de santé publique doivent être instituées et mise en place. Elles auront pour objectif de favoriser un vieillissement réussi et de repérer assez rapidement les ainés en situation de fragilité. Des programmes de
prévention (dépistage cancer, vaccinations, nutrition, éducation thérapeutique, activité physique…)doivent soutenir toutes les actions de santé. Une coordination gouvernementale est plus que nécessaire pour apporter des réponses adéquates. La priorité sera donnée à la formation et à la mise en place de programmes d’enseignement de la gérontologie et de la gériatrie puis secondairement à la mise en place d’une filière de soins spécifique à la personne âgée (services soins aigus, service
soins de suite et de réadaptation fonctionnelle, équipe mobile de gériatrie, unités de soins de longue durée) au moins dans chaque CHU et hôpital régional ou de wilaya. Pour une meilleur efficience de notre système de santé, la mise en place de cette filière permettra de réorganiser d’une manière plus
efficace, plus adaptée et plus rationnelle les soins donnés à une personne très âgée, fragile ou polypathologique. Ainsi des changements structurels et organisationnels de notre société nous attendent. L’intégration des géronto-technologies peut apporter un grand soutien pour les personnes âgées en perte d’autonomie en contribuant aussi à améliorer leur qualité de vie. (2)