Intérêt de la création de consultation pré anesthésique des patients à risque cardiovasculaire : quelle est notre expérience

Résumé

La consultation pré-anesthésique permet au

1 Service d’anesthésie réanimation del’Etablissement Publique Hospitalier Bachir Mentouri, Alger 2 Clinique Chirurgicale A du CHU Mustapha Pacha Alger 3 Service de chirurgie généralede l’Etablissement Publique Hospitalier Bachir Mentouri, Alger
Toufik. IAICHE ACHOUR1, Hichem. BOUSBAH1, Zakaria DRIS1, Abdellatif ALLOUACHE1, Zohra. IMMESSAOUDENE2, Ahmed. TOUDJI1, Mustapha. MAAOUI3

médecin anesthésiste réanimateur d’examiner un patient à distance de l’intervention, de juger de la nécessité ou non d’un bilan paraclinique préopératoire, de proposer au patient la meilleure stratégie anesthésique et analgésique, de prévoir une éventuelle hospitalisation postopératoire dans un service de soins intensifs ou non. La consultation est aussi un temps d’information au cours duquel les techniques anesthésiques sont expliquées au patient et àson entourage.

La consultation pré-anesthésique peut être, dans certains cas source de contraintes importantes en imposant des examens complémentaires cardiologique non orientés. Afin d’éliminer cette contrainte, certaines consultations pré-anesthési quesspécialisées en cardiovasculaire peuvent être réalisées dans l’établissement.

La consultation est alors réalisées par un médecin anesthésiste réanimateurréférent en pathologies cardiovasculaires. Ces consultations sont appelées« Consultations Pré-anesthésiquesdes Patients à Haut Risque Cardiovasculaire (CAHRCV).

Afin de formaliser l’organisation de ces consultations.Nous avons créé en 2015 «CAHRCV». Son objectif est d’offrir au patient une consultation pré-anesthésique spécialisée ciblée sur la pathologie cardiovasculaire, et une prise en charge personnalisée du patient cardiaque.

L’intérêt du présent travail est d’évaluer la pratique de la consultation pré-anesthésiquede patient à haut risque cardiovasculaire après deux années de son ouverture. Une enquête de satisfaction auprès d’une population de patients ayant bénéficiés d’une consultation pré-anesthésiqueà haut risque cardiovasculaire, une deuxième enquête de satisfaction auprès des chirurgiens et médecins interniste pratiquants l’endoscopie digestive, et en fin une enquête de satisfaction auprès des anesthésistes de notre établissement.

Mots clés : Consultation pré anesthésique- haut risque cardiovasculaire- réseaux de soins

Introduction

Quelque soit la chirurgie et son mode de pratique, ambulatoire ou intra hospitalière, ou le geste diagnostic nécessitant une anesthésie, telle une endoscopie, l’évaluation pré́-anesthésique requiert une attention particulière de l’état de santé du patient, afin de minimiser au maximum le risque que pourrait encourir ce dernier durant la chirurgie ou l’endoscopie; elle est également le moment idéal à la planification du parcours du patient avant, durant et après la chirurgie ou l’endoscopie [1, 2].

De plus en plus la consultation d’anesthésie constitue dans de nombreux pays le moyen idéal pour l’évaluation pré anesthésique, moment important dans l’évaluation du risque, la consultation d’anesthésie dépasse de loin la simple visite pré́anesthésique la veille de l’intervention, par ses nombreux avantages pour le patient, pour l’anesthésiste et pour la société́ [2,3].

Histoire de la consultation d’anesthésie

Les premières consultations d’anesthésie remontent au années 50 dans les pays européen et américain, la consultation d’anesthésie entait alors limitée à certains patients considères à haut risque opératoire [4].

L’organisation de la consultation d’anesthésie restaient vagues et se pratiqué souvent par auxiliaire d’anesthésie et le jour d’intervention.

Dans les années 80, la consultation d’anesthésie a commencé à se développer, grâce à l’entrée du médecin dans la politique de santé des pays, le médecin devient un interlocuteur privilégier, raisons qui propulsent la consultation d’anesthésieà êtredécrétée obligatoire en 1994 en France, alors qu’en Allemagne, en Autriche ou en Suisse, il n’y a pas d’équivalent juridique.

En ce qui concerne les guidelines sur la consultation d’anesthésie des différentessociétés d’anesthésie, ils sont différents d’un pays à l’autre, et aucune société savante n’a instauré la consultation pré-anesthésique pour patients à haut risque cardiovasculaire à ce jour.

Dans notre pays, la société d’anesthésie réanimation et soins d’urgence (SAARSIU), a pérennisé la consultation de pré- anesthésie en 2014 (journées de printemps à Sétif) lors de la réunion de consensus sur les examens complémentaires en préopératoire.

Matériels et Méthode

C’est une étude rétrospective d’évaluation sur des dossiers de patients ayant consultés en consultation pré-anesthésique à haut risque cardiovasculaire depuis sont ouverture de mars 2015 à décembre 2016, nous avons relevé la provenance des patients (chirurgie, ORL, gynéco-obstétrique, endoscopie digestive), la tranche d’âge, la pathologie cardiovasculaire, le score ASA, le délais entre la consultation pré- anesthésique et la programmation chirurgicale, la déprogrammation du patient le jour d’intervention, la satisfaction des patients, la satisfaction des chirurgiens et la satisfaction des anesthésistes de notre établissement.

Résultats 

Sur une période de 20 mois, nous avons examiné en consultation pré- anesthésique dite à « haut risque cardiovasculaire » 500 patients, dont la provenance est réparti en : chirurgie générale 278 patients(55,6%), ORL 99 patients (19,7%), gynéco-obstétrique 101patientes (20,1%), endoscopie digestive 23 (4.6%)voir diagramme 1.La moyenne d’âge est de 62 ans (diagramme 2), les pathologies cardiovasculaires sont dominées par la maladie coronarienne 298cas soit 59,6%, la valvulopathie 89cas soit 17,8%, la fibrillation auriculaire (FA) 75 cas soit 15%, autre pathologie cardiaque 38 cas soit 7,6% (diagramme 3).

Le délai moyen entre la consultation pré- anesthésie à haut risque cardiovasculaire et l’intervention chirurgicale est de 20 jours, on ne note pas de déprogrammation le jour d’intervention.

L’enquête de satisfaction auprès des patients, des chirurgiens, et des anesthésistes est respectivement de 100%, 98%, et de 93%, entièrement satisfait de cette prise en charge.

DISCUSSION

Les arguments en faveur de la création de consultation d’anesthésie à haut risque cardiovasculaire

Une logique de sécurité́

La prévention du risque est typiquement le point incontournable en faveur de la CAHCV. En effet, en terme d’analyse du risque anesthésique, l’examen du patient a distance de l’opération par un réfèrent en pathologie cardiovasculaire de l’établissement a un rendement bien supérieur à celui d’une simple visite la veille de l’intervention. De plus, les conditions dans lesquelles se déroule la consultation sont bien meilleures. Les facteurs du risque sont anticipés, un bilan insuffisant ou l’ajustement d’un traitement voire une consultation spécialisée, peuvent être réalisés bien avant le terme de l’opération, ce en collaboration avec le médecin traitant. La stratégie chirurgicale est discutée avec le chirurgien et adaptée à l’état du patient et aussi discuter sur l’opportunité de l’intervention. On ne pourra jamais assez encourager toute stratégie qui a pour but de renforcer la préparation du patient. En effet, dans une étude australienne sur la mortalité́ liée à l’anesthésie, les auteurs ont montré que, dans 25% des décès liés à l’anesthésie, une évaluation et une préparation insuffisantes entaient des facteurs contributifs à l’issue fatale [5].

Bien que l’impact réel de la CAHRCV sur la diminution du risque opératoire est palpable et quantifiable, par la diminution de la mortalité et la durée du séjour hospitalier.

Une logique économique

C’est le domaine le mieux documenté dans la littérature. Il s’articule sur 3 axes principaux :

La réduction des examens préopératoires

Bien qu’il soit largement reconnu que les examens préopératoires sont demandes en fonction de l’interrogatoire, de l’examen clinique et de l’intervention prévue [28], trop d’examens sont encore demandes pour d’autres raisons, telle une mauvaise organisation de l’hospitalisation, la «routine», la convenance médicale et enfin la méconnaissance de la pathologie cardiovasculaire par les médecins prenant en charge le patient (médecin traitant, chirurgien, et médecin anesthésiste réanimateur), : toutes ces déviances ont un coût [6]. L’organisation d’une CAHRCV et l’application d’une politique raisonnable dans la demande d’examens peut engendrer une diminution des coûts liés à des examens inutiles [2, 4, 6].

La réduction de la durée d’hospitalisation

La CAHRCV a un impact favorable sur la durée d’hospitalisation en réduisant le délai entre l’hospitalisation et l’intervention, qui pouvant être pratiquée le jour de l’hospitalisation, [2, 4, 7, 8, 9]. En effet, peu d’éléments justifient une hospitalisation 24, voir 48 heures avant l’intervention et raison de plus, ce raccourci diminue l’infection liée au soins.

La diminution des retards et des reports d’interventions de dernière minute :

Une partie des retards et des reports d’intervention de dernière minute est en étroite relation avec l’état de préparation du patient. La CAHRCV anticipe bon nombre de problèmes: les bilans et les ajustements de traitements se font de manière ambulatoire, le patient n’entant admis à l’hôpital qu’une fois son état jugé adéquat pour l’intervention, ceci permettant une meilleure gestion de l’activité́ du bloc opératoire [2, 4, 10].

Une logique éthique

Comment ne pas accepter l’idée que le patient ne puisse pas bénéficier, avant l’acte auquel il va consentir, d’un temps d’explication, d’un délai de réflexion, avant qu’il ne donne son consentement « éclairé ».

De plus, les conditions dans lesquelles se déroule une à distance de l’opérationCAHRCV n’ont rien à voir avec le décor de la visite préopératoire la veille de l’intervention. Tout d’abord, il y a le respect de l’intimité du patient. Ensuite, il y a la qualité́ d’information, qui pourra êtrediscutée avec ses proches, impliquant également la notion d’un deuxième avis. La qualité́ passe aussi par l’information au patient (« claire, intelligible et adaptée aux capacités intellectuelles du patient »), par une plus grande conformité aux recommandations récentes, par un respect des stratégies proposées et du calendrier de l’opération. La relation médecin- malade s’en trouvera améliorée et l’anxiété́ préopératoire diminuée [11].

Une logique de médecine en réseau

Depuis quelques temps déjà̀, la pratique de l’anesthésie est considérée commemédecine péri- opératoire, lié au fait des connaissances et de l’expérience de l’anesthésiste dans le domaine du patient chirurgical [1, 12]. Dans ce contexte, la CAHRCV représente un élément idéal pour regrouper toutes les informations et spécifier les démarches visant à diminuer le risque du patient, tenant compte de considérations médicales, sociales ou éthiques. De plus, à une époque où les aspects d’une médecine en réseau trouvent un écho favorable dans la société, grâce à la technologie informatique et de communication (TIC), le rôle du médecin réfère, surtout en cardiologie interventionnelle, sur l’opportunité d’intervention cardiologique avant ou après l’acte chirurgical.

Dans notre expérience, un réseau est tissé CAHRCV entre le médecin anesthésiste réfèrent en cardiovasculaire et un cardiologue réfèrent en cardiologie et l’équipe chirurgicale ou interniste pour discuter sur l’opportunité d’intervention du patient. Le médecin anesthésiste réfèrent est la pierre angulaire dans cette prise en charge.

Conclusion

Les publications récentes sur la consultation d’anesthésie ont démontré des avantages certains : une meilleure approche du risque, des économies réalisables et l’insertion de l’anesthésie dans un système de médecine en réseau. La création de la consultation pré-anesthésique de patients à haut risque cardiovasculaire renforce cette stratégie en gain de temps, en gain d’examens complémentaires, et surtout une métrise du risque opératoire. En effet lors du passage du patient en CAHRCV, la prise en charge est personnalisée, car le retour d’information au chirurgien est direct, et programmation et éventuellement la stratégie chirurgicale du patient est discutée. Un autre contact aussi est adressé vers le médecin anesthésiste en charge du patient pour préparer une stratégie anesthésique le jour d’intervention (monitorage hémodynamique, AIVOC…).

Références

  1. Saidman LJ. The 33rd Rovenstine Lecture. What I have learned from 9 years and 9’000 papers. Anesthe- siology 1995;83:191–7.
  2. Griffith KE. Preoperative assess- ment and preparation. Int Anaesth Clin 1994;32:17–36.
  3. Klopfenstein CE. Anesthetic assess- ment in an outpatient consultation clinic reduces preoperative anxiety. Can J Anaesth 2000;47:511–5.
  4. Lee A. A preoperative anaesthetic outpatient clinic. Anaesthesia 1949;4:169–74.
  5. Gérer la qualité. L’expres- sion contrôle de qualité. Mc Kee R ed. The ABC’S for control process. SPC: a prerequisite for world.
  6. Allison JG. Unnecessary preopera- tive investigations: evaluation and cost analysis. Am Surgeon 1996; 62:686–9.
  7. Pollard JB. Use of outpatient pre- operative evaluation to decrease length of stay for vascular surgery. Anesth Analg 1997;85:1307–11.
  8. Traber KB et al. The impact of preadmission evaluation of same day surgery patients on improving operating room efficiency. Anesthe- siology 1993;83:A14.
  9. 32 Alpert CA. Anesthesia and peri- operative medicine. Anesthesiology 1996;84:712–5.
  10. Prause G. 15 Jahre präoperative Ambulanz in Graz. Anästhesist 1994;43:223–8.
  11. Boothe P. Changing the admission process for elective surgery: an eco- nomic analysis. Can J Anaesth 1995;42:49.
  12. Védrinne C. Consultation d’anesthésie de chirurgie cardiovasculaire et thoracique. Enquête de satisfac- tion des patients et des médecins. Ann Fr Anesth Réanim 1999; 18:834–42.

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