La blouse médicale

Professeur d’Enseignement Paramédical; Chef de Département Documentation et Recherche INPFP.
Mohamed Salah BENELMIR, Professeur d’Enseignement Paramédical ; ELBIR Boussad, Chef de Département Documentation et Recherche INPFP.

Introduction

Le vêtement est l’instrument de la dignité de l’homme et le symbole de sa fonction humaine(André LEROI-GOURHAN)

Selon les écrits, pour le professionnel de santé, le principal élément de la tenue vestimentaire est le vêtement, qu’il s’agisse d’un uniforme, de vêtements personnels ou d’un sarrau. Les autres éléments qui y sont également associés sont le porte-nom ou la carte d’identité, les cheveux, la barbe, les couvre-chefs, les ongles, les bijoux, les anneaux, les pendentifs et autres bijoux corporels, les colliers, les cravates et les cordons portés au cou, le parfum, le maquillage et les chaussures [24].

Mots Clés : Blouse Médicale, Rôle de la blouse, Fonction de la blousse, Vêtement professionnel, Hygiène.

Le vêtement commun à tous les corps de métiers de la santé est sans nul doute la blouse médicale.

Ainsi, le point d’achoppement qu’est le port de la blouse médicale, que ce soit en établissement de formation, en stage, ou pendant l’exercice de notre profession ;sa coupe, sa couleur, sont le plus souvent sujet à des discussions houleuses, passionnées, pétris de convictions et de ressentis personnels.

Chacun défend son point de vue en développant des arguments forgés  par un vécu et une expérience plus ou moins riche en affect et en émotion  ; preuve en est, et n’en déplaise à certains esprits réducteurs pour lesquels elle n’est qu’un bout de tissus blanc, qu’un mélange de polyester et de coton, et qu’au-delà des fonctions de base que nous pouvons lui attribuer en tant que vêtement de travail ; la blouse reste emblématique, chargée d’une lourde symbolique, porteuse de nombreuses valeurs.

Pour une meilleure vision et un nouvel éclairage de la question, un passage en revue de la littérature est nécessaire.

Dans un 1er temps dans ce numéro de la revue de l’INPFP*, et dans une approche logique sans l’intention d’être exhaustive, nous allons traiter les 2 premières fonctions sur les 4 que définit le psychologue et psychanalyste Marc-Alain Descamps[1] au vêtement, c’est-à-dire en l’occurrence : La protection et La pudeur,

La protection

En regard du contexte professionnel de notre métier qu’est la santé, la première fonction d’une blouse médicale, est certainement la protection et l’hygiène.

Remplit-elle réellement se rôle, ou à l’inverse, ne favorise-t-elle pas, plutôt la contamination ?

Les données les plus récentes -2018-[8]  ne sont pas arrivées à démontrée de façon catégorie  que les vêtements peuvent être des  vecteurs pour la transmission des infections, mais il existe plutôt un faisceau d’éléments probant et de nombreuses hypothèses qui vont en ce sens [1] [30] [39].

Il a été démontré que certaines activités et interventions de l’infirmière, notamment en soins critiques, ou lors de procédures générant des éclaboussures comme les soins de plaies, entraînent une plus grande contamination de ses vêtements[33] [40].

Dans une publication de American Journal of Infection paru en 2011 ; 65% des uniformes des infirmières et 60% de ceux des médecins, comportaient des agents pathogènes. Parmi les agents identifiés, 21 uniformes d’infirmières et 6 de médecins comportaient des bactéries multi-résistantes, et 8 le Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM)**[2].

*INPFP : Institut National Pédagogique de la Formation Paramédicale.

** SARM : Staphylococcus aureus résistant à la méticilline.

L’épidémiologie locale ainsi que la présence d’une éclosion dans le milieu de travail ont également un rôle à jouer dans la quantité et la pathogénicité des microorganismes retrouvés sur les uniformes. Donc, compte tenu du fait que les vêtements portés lors de la prestation de soins se retrouvent contaminés par de nombreux pathogènes, il est hautement recommandé que l’infirmière change de tenue de travail quotidiennement et en fasse un entretien régulier [1] [13] [23].

De plus, il est souhaitable que l’infirmière porte son uniforme uniquement sur les lieux de travail afin d’éviter de circuler dans les endroits publics avec ses vêtements contaminés [28] [29].

Mais malgré les recommandations et les règles de bon sens qui veut qu’on se lave les mains et change de vêtements tous les jours.Non seulement pour éviter tout risque de contamination à l’extérieur, mais aussi pour éviter de ramener des bactéries à la maison [3]. Et en regard de la logistique nécessaire et des coûts à supporter pour respecter ses recommandations, « Quotidiennement » est-ce possible ?

Un jeu de 2 blouses et un passage à l’autoclave de la blouse souillée quotidiennement, avec le lavage des mains qui reste la pierre angulaire de la protection ; ne sont pas grand-chose par rapport à la sécurité du professionnel de santé et celle de sespatients !

La Pudeur(al-hayâ),

La blouse médicale remplit elle la fonction de pudeur ? Et si c’est le cas quelvaleur a cette pudeur pour le professionnel de santé ?

La pudeur peut êtreabordé selon différent point de vue, religieux ; culturel,psychologique, psychanalytique…..

Nous nous attarderons sur les aspects, qui a notre sens sont les plus pertinents.

D’un point de vue religieux, en islam il est dit dans la sourate 7 « Les Limbes », verset  26 : « O fils d’Adam ! Nous avons fait descendre sur vous des vêtements cachant votre nudité, ainsi que des parures ; mais les vêtements de la piété, voilà qui est mieux ! Voilà qui fait partie des signes de Dieu : peut-être se souviendront-ils ?… « 

Le-très-Haut décline la pudeur pour chacun de nos actes et chacune de nos paroles. Il détaille précisément la manière dont elle doit se traduire : dans l’intonation de la voix: « Baisse ta voix, car la plus détestée des voix, c’est bien la voix des ânes » s.31 v.19 ; dans notre manière de marcher : « Et ne foule pas la terre avec arrogance : car Allah n’aime pas le présomptueux plein de gloriole et sois modeste dans ta démarche » s.31 v.18-19 ; dans la manière de regarder : « Dis aux croyants de baisser leurs regards et de garder leur chasteté. C’est plus pur pour eux » s.24 v.30.

La pudeur en islam s’inscrit dans un mode de vie à part entière.

Le Prophète (QSSSL***) a évoqué la pudeur dans plusieurs hadiths, l’un d’entre eux dit : « La pudeur et la foi sont liées ensemble, si l’une des deux est enlevée l’autre est enlevée ».[26]

Ces sourates coranique et les hadiths du Prophète (QSSSL***),démontre que la pudeur est associée à la foi soulignesa forte intrication dans nos mœurs et notre culture.

Dans la religion chrétienne la pudeur est liée au combat pour la pureté, le Catéchisme de l’Eglise catholique en traite dans la deuxième partie de l’explication du 9ème commandement. Il rappelle que :
– le baptême confère à celui qui le reçoit la grâce de la purification de tous les péchés. Mais – précise-t-il – le baptisé doit continuer à lutter contre la concupiscence de la chair et les convoitises désordonnées. Comment y parvient-il ?
– par la vertu et le don de chasteté, par la pureté d’intention, par la pureté du regard, par la prière.

La pureté demande la pudeur.
Celle-ci est une partie intégrante de la tempérance. La pudeur préserve l’intimité de la personne. Elle désigne le refus de dévoiler ce qui doit être caché.
La pudeur est modestie. Elle inspire le choix du vêtement. Elle se fait discrétion.

***Que la prière d’Allah et Son Salut Soient Sur Lui

En effet, la pudeur reste un concept très fort et particulièrement cher aux algériens, maisnéanmoins ne peut être considérée comme exclusive et propre à notre culture.

Il en est de même dans la religion juive, la pudeur fait partie de la foi et est associé à la dignité.

Pour les vêtements, elle recommande qu’ils témoignent du respect que l’on a pour soi-même, des vêtements qui ne rabaissent pas la personne qui les porte en accentuant le corps de façon exagérée, suggérant que celui-ci – plutôt que l’âme et ses qualités – constitue l’essentiel de la personnalité.

Nous sortons donc avec un consensus du point de vue religieux, car toutes les religions monothéiste partagent et soulignent  l’association entre pudeur et vêtement.

Pour le Dictionnaire « Larousse » La pudeur est la disposition à éprouver de la gêne devant ce qui peut blesser la décence, devant l’évocation de choses très personnelles et, en particulier, l’évocation de choses sexuelles.

La pudeur a enclin les hommes (et encore plus les femmes) à cacher leurs organes de reproduction pour ne pas exciter des convoitises. Puis, par proximité des organes d’élimination, s’y est adjointe la honte. Aussi notre corps est-il coupé en deux : les parties nobles ou montrables et les « parties honteuses » [1].

Nous pouvons considérer que la blouse médicale est un élément vestimentaire du vêtement professionnel qui remplit pleinement la fonction Pudeur, cette dernière est mise en avant, chez nos professionnels, par le choix de la coupe ainsi que par la manière  de la porter.

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