Résumé:
La récupération améliorée après chirurgie ou Enhanced Recovery Afte rSurgery (ERAS) est une
prise en charge multidisciplinaire, standardisée et basée sur les preuves. Il existe actuellement un bon niveau de preuves pour favoriser la récupération améliorée après chirurgie dans le but de réduire l’agression du geste chirurgical et ainsi améliorer les suites opératoires. La réussite du programme passe par l’adhésion de l’équipe multidisciplinaire composée de chirurgiens, d’anesthésistes, d’infirmiers, de diététiciens, et d’administrateurs.
Mots clés : chirurgie, post opératoire, récupération améliorée.
Introduction :
Elle a été initialement inspirée et développée par H.Kehlet et ses collaborateurs au Danemark en 1995 pour la chirurgie colique. Elle remet en question les principesclassiques de la prise en charge péri opératoire afin de permettre au patient de retrouver le plus vite possible son état physique et psychique pré-opératoire
La récupération améliorée après chirurgie est une médecine fondée sur les preuves, validée par des publications scientifiques. Un groupe d’étude international a été crée, en 2001 afin de promouvoir le programme ERAS (Enhanced Recovery After Surgery). En 2010, ERAS society fut crée avec l’objectif de donner une envergure internationale à ce programme et surtout aboutir à un standard international. En 2010, il existait déjà, en particulier en Europe, 10 centres d’excellence.
Définition de la récupération améliorée après chirurgie (RAAC).
C’est une démarche différente dans la prise en charge du patient. Comment aborder une situation à problème, qui est la phase post opératoire ? La solution nécessite une combinaison d’intervention dite multimodale (cœlioscopie, analgésie…) qui associe une équipes aux compétences diverses qui intervient à chaque étape de la prise en charge péri opératoire avec un même objectif, la récupération rapide ou mieux encore améliorée.
Elle vise à réduire le stress physique et psychique lié à l’intervention en prévenant les dysfonctions organiques secondaires de la chirurgie permettant au patient de récupérer plus vite ses capacités. Elle vise aussi la reprise d’une autonomie active et complète du patient [1].
Élaboration du concept :
Kehlet [2] a eu l’intuition que de nombreuses étapes de la prise en charge classique en chirurgie reposaient plus sur le poids des habitudes que sur une analyse des bénéfices apportés aux patients.
Il analysa les éléments de la prise en charge classique en chirurgie colique et surtout leurs valeurs scientifiques : l’iléus post opératoire prolongé, l’alitement de quatre à cinq jours, la prescription des morphiniques, la reprise de l’alimentation à partir du 5èmejour ou après l’arrivée des gaz, le drainage systématique, le jeune pré opératoire au de-là de huit heures, la préparation colique mécanique systématique et la perfusion de solutés en post opératoire pendant 04 à 06 jours. Il a pu prouver que de nombreux actes réalisés étaient inutiles, le plus flagrant étant la préparation mécanique colique [3].
L’autre pilier de la réflexion était l’association du patient à ses soins. Dans la prise en charge classique, le patient est un acteur passif, les décisions sont prises par les médecins. Le patient est rarement informé. Dans la récupération améliorée après chirurgie, le patient reçoit une information beaucoup plus approfondie sur les différents temps du traitement. Il connait les objectifs que se fixe avec lui l’équipe médico-chirurgicale (exemple : lever le jour de l’intervention, pouvoir marcher une certaine distance le lendemain de l’intervention, s’alimenter le soir même de l’intervention, sortie 3 jours après l’intervention, etc…).Le patient devient un moteur de sa propre récupération et peut influencer les décisions en fonction de ses propres sensations et du retour d’information qu’il donne à l’équipe de santé.
Le concept est devenu global intéressant toutes les spécialités chirurgicales et les grandes lignes du programme sont organisées en chemin clinique, les professionnels savent ce qu’ils ont à faire et à quel moment intervenir et le patient est informé de ce chemin [4]. L’autre ligne importante de ce programme est l’organisation des soins qui sont simplifiés mais appliqués avec rigueur par une équipe multidisciplinaire (elle associe le chirurgien, l’anesthésiste, l’infirmier, le kinésithérapeute,..). L’information circule de manière longitudinale et transversale, centré sur le patient [5]. Les actions sont consignées dans un livret préparé.
Le stress chirurgicalet impact de la RAAC dans la littérature :
Les complications postopératoires restent parmi les inconvénients majeurs de la chirurgie.De nos jours, il a été démontré que la chirurgie induit une cascade d’événement complexe appelé le stress chirurgical entraînant une réponse inflammatoire, une immunosuppression et une altération du métabolisme avec hyper catabolisme engendrant un retard de cicatrisation et une atteinte multi-organe. Déjà, en 1984, Bessey et coll. [6] ont démontré le lien de causalité entre les hormones de stress et la réponse systémique. Les médiateurs endocrino-métaboliques de cette réponse au stress sont les cytokines, l’acide arachidonique, l’oxyde nitrique et les radicaux libres de l’oxygène et l’insuline.
La compréhension progressive des bases physiologiques de la réponse au stress postopératoire a entraîné la création d’équipes interdisciplinaires comprenant des chirurgiens, des anesthésistes, des nutritionnistes et du personnel infirmier, ayant pour but de diminuer la réponse au stress chirurgical [7].La conséquence clinique est un confort postopératoire amélioré avec des complications faibles et une hospitalisation plus courte. Une diminution de la durée de séjour de 30 % qui est de l’ordre de 2,5 jours et unediminution de moitié des complications post-opératoires [8].L’autre impact et non des moindres, est la réduction de 50 % des coûts liés à l’hospitalisationet l’augmentation de la satisfaction des patients [9].
Les données factuelles de la RAAC :
L’hypothermie :
La chirurgie viscérale peut entrainer une hypothermie comme le résultat d’une exposition prolongé du corps et de la cavité abdominale à l’ambiance de fraicheur par dysfonctionnement de la thermorégulation.Il y a assez de preuves que l’hypothermie est associée aux complications post opératoire tel que l’infection pariétale, l’ischémie cardiaque ; l’hémorragie et l’augmentation de la sensibilité à la douleur [10]. La normothemie per opératoire réduit les infections du site opératoire par un facteur 3 (de 06 % vs 19%), accroit la reprise du transit intestinal et réduit la durée de séjour de 20% [11].
Alimentation précoce :
La reprise de l’alimentation qu’après la reprise du transit est une attitude dogmatique. Il est attendu que l’anastomose cicatrise correctement. Pourtant dès le milieu des années 1990, deux essais randomisés avaient suggéré l’innocuité d’une réalimentation précoce après chirurgie digestive [12,13]. Une méta-analyse publiée en 2009 [14] a montré qu’il n’y avait pas de bénéfice à laisser les patients à jeun après chirurgie abdominale (comportant une suture ou une anastomose digestive), la réalimentation précoce était associée à une réduction de la mortalité postopératoire et sans augmentation du risque de désunion anastomotique.
La chirurgie mini-invasive :
La laparoscopie a un impact avérée sur la durée d’hospitalisation, du temps de la reprise du transit et les complications infectieuses [15]. Cette voie d’abord est recommandée et devenue un standard en chirurgie colo rectale. L’association laparoscopie et RAAC donne le meilleur résultat avec une durée d’hospitalisation de 5 jours (extrêmes [4—8]) mais la laparoscopie sans association à un protocole de RAAC réduit, à elle seule, la durée d’hospitalisation de 02 jours [16]. Par contre, en chirurgie hépatique et pancréatique, ces résultats attendent la confirmation.
Le drainage abdominal :
Le drainage abdominal à titre prophylactique est encore considéré par certains comme un geste utile. Actuellement, en chirurgie sus et sous mésocolique, le drainage n’est pas nécessaire sauf en chirurgie rectale car les études sont de faibles niveaux de preuves [17].
La sonde gastrique :
La sonde d’aspiration gastrique a été longtemps considérée comme un moyen de vidanger l’estomac afin de mettre au repos le tube digestif, et ainsi faciliter la cicatrisation des sutures ou anastomoses et favoriser une reprise plus rapide du transit mais ces avantages ne sont que théoriques [18].
La sonde vésicale :
En chirurgie digestive, elle est utilisée en postopératoire du fait du risque de rétention urinaire. Or le drainage vésical comporte des risques dont le principal est la survenue d’infections urinaires, en plus des risques de fausse route et de sténose urétrales. En cas de drainage vésical prévisible supérieur à 4 jours, il est recommandé de mettre en place un cathéter sus-pubien chez l’homme [19]. Dans le programme ERAS, la sonde urinaire doit être laissée le moins longtemps possible, de préférence 24 heures [20].
La gestion de la douleur et des apports liquidiens :
La gestion de la douleur dans la période péri-opératoire et la gestion des apports liquidiens per opératoires, sont les deux principaux objectifs permettant d’optimiser la réhabilitation postopératoire. Les conséquences cliniques des douleurs postopératoires peuvent engendrer des complications d’ordre cardio-respiratoires, thromboemboliques, des retards de cicatrisation [21]. Les buts d’une meilleure gestion de la douleur postopératoire sont une mobilisation précoce et une alimentation orale rapide. Le paracétamol et les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont le traitement de fond. Les différentes techniques d’analgésie associées au traitement de fond sont basées sur une épargne des produits morphiniques responsables de nausées, de vomissements, de fatigue, et de prolongement de l’iléus postopératoire [22].
La préparation colique :
La préparation colique est associée à une déshydratation et des troubles électrolytiques surtout chez le sujet âgé [23]. En chirurgie colique, elle ne montre aucun bénéfice [24].
La compliance :
Malgré ses bénéfices évidents, la compliance ou l’adhésion au protocole est l’un des challenges de ce programme. L’amélioration des résultats sur la récupération passe par l’amélioration de la compliance [25]. La prise en charge en Europe du nord était loin d’être optimale et variable d’un pays à l’autre.Le protocole ERAS contient environ 20 items mais la littérature montre que ce programme est suivi dans 40 à 50 %, avec la persistance de certains réflexes, à l’exception de l’équipe de H.Kehlet [26].
Gustafsson UO [27] a montré que lorsque la compliance est amélioré, les résultats en chirurgie colo-rectale s’améliore par étapes:Une compliance de 50 % au protocole abouti à un taux de complications de 40 % et un séjour de 10 jours. Ceci est amélioré à 06 jours et un taux de complications moins de 20 % avec une compliance de 90 %. L’absence d’éducation répétée autour du programme ERAS a un impact important sur l’adhésion ou adhérence et souvent les jeunes de l’équipe qui remplissent les taches quotidiens [28].
Conclusion :
La réhabilitation améliorée après chirurgie ou ERAS est une prise en charge standardisée, multimodale, multidisciplinaire et basée sur les évidences qui a pour effet principal de diminuer la morbidité postopératoire.
L’information préopératoire et le suivi postopératoire sont essentiels à la réussite de ce programme, La mise en place d’un programme de récupération requiert une collaboration étroite entre les différentes équipes et les infirmiers y jouent un rôle important.
Références :
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