Résumé :
Le tabagisme est un fléau mondial, responsable d’une lourde morbi-mortalité. Il représente un problème majeur de santé publique, et coute cher à la société, il est la première cause de mortalité évitable. Il existe donc un besoin urgent d’optimisation des moyens d’aide au sevrage tabagique.
La fumée du tabac qui comporte de nombreux agents toxiques est responsable de nombreuses pathologies, touchant essentiellement l’appareil respiratoire et une multitude d’autres organes. Elle est responsable de maladies chroniques avec une mortalité et une espérance de vie moindre et une consommation plus sérieuse de médicaments et un cout pour la société très important.
Cet article a pour but, d’énumérer et de décrire de façon plus succincte les effets néfastes de la fumée du tabac sur notre organisme.
Summary:
Smoking is a global health problem, responsible for heavy morbidity and mortality. It is the largest avoidable cause of death in the world. There is an urgent need to help patients with smoking cessation.
Tobacco smoke which contains many toxic agents is responsible for many pathologies, affecting, bronchi, pulmonary parenchyma and a multitude of other organs. It is responsible for chronic diseases with lower mortality and life expectancy and more serious consumption of medicines and a very high cost to society.
The purpose of this article is to list and describe more succinctly the harmful effects of tobacco smoke on our body.
Mots clés : Tabac, fumée, cigarette, Cancer, pathologie respiratoire chronique, BPCO, pathologie cardiovasculaire.
Keywords : Tobacco, cigarette, Cancer, chronic respiratory pathology, COPD, cardiovascular pathology.
I- Introduction :
Le tabagisme est une toxicomanie réelle, et comme tout comportement addictif, il est l’indicateur d’une souffrance multiforme, corporelle et/ou psychologique et/ou sociale. Ce comportement est particulièrement présent chez des patients atteins de maladies psychiatriques, en effet, près de 44% des cigarettes dans le monde sont consommés par des personnes atteintes de maladie mentale.
La dangerosité de la consommation du tabac est causée par les carcinogènes et le monoxyde de carbone présents dans la fumée, et non par la nicotine seule, cette dernière étant exclusivement responsable de la dépendance. (Tableau n°1)
II- Epidémiologie :
A- Dans le monde :
Le tabac est responsable de plus de 8 millions de morts chaque année. Malgré toutes les informations recueillies depuis plus de 50 ans sur ce facteur de risque et les mesures de luttes mises en place dans de nombreux pays, la pandémie de tabagisme s’accroit. Si cette tendance continue, l’OMS estime que le nombre de décès atteindra 10 millions par an en 2030. Les coûts économiques du tabagisme sont considérables : il s’agit à la fois des coûts substantiels qu’entraîne le traitement des maladies causées par le tabagisme et du capital humain perdu à cause de la morbidité et de la mortalité imputables au tabac. (1)
B- En Algérie :
L’enquête nationale de santé (projet TAHINA 2005) retrouve une estimation globale de 11,22% parmi une population générale de 4818 personnes âgée de 35 à 70 ans, ce pourcentage sous-estime le taux réel de fumeurs à savoir les fumeurs âgés de moins de 35 ans et les enfants de moins de 15 ans, et la répartition selon le sexe masculin.
III- Composition de la fumée du tabac :
Substances | Effets |
Nicotine | Responsable de la dépendance pharmacologique. |
Monoxyde de carbone (CO) | Se fixe sur hémoglobine, myoglobine musculaire (y compris myocardique).
Facteur de toxicité cardio-vasculaire. Diminution de la prise de dioxygene dans le sang |
Irritants :
• Acroléine. • Aldéhydes… |
Bronchites et infections respiratoires |
Goudrons : cancérigènes | Obstruction des voies respiratoires, Cancers |
IV- Les conséquences néfastes du tabagisme
A- Tabac et Affections respiratoires :
L’appareil respiratoire est la cible directe et privilégiée des effets nocifs de la fumée de tabac. Le tabagisme qu’il soit actif ou passif est responsable du développement de symptômes respiratoires et de maladies chroniques. On cite, parmi ces affections respiratoires :
1/ Bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) :
La BPCO est une maladie chronique, lentement progressive, caractérisée par la réduction, non réversible, des débits aériens.
Les principales formes cliniques de la BPCO sont la bronchite chronique et l’emphysème. Alors que la bronchite chronique se définit cliniquement par une toux chronique productive, au moins trois mois par an, depuis au moins deux années consécutives, l’emphysème est défini par des anomalies anatomiques, en particulier la destruction des espaces aériens distaux, au-delà des bronchioles terminales.
Elle constitue actuellement la 3ème cause de mortalité après les pathologies coronariennes et les maladies neurovasculaires. (2)
2/ Maladie asthmatique :
Le tabagisme actif et passif est considéré comme un facteur intervenant négativement sur le contrôle de l’asthme, avec :
Une mauvaise réponse thérapeutique, d’un déclin plus rapide de la fonction respiratoire avec un risque de décès par exacerbation sévère plus important, par rapport aux sujets non-fumeurs (3), et une résistance au traitement corticoïde, inhalé ou oral, retrouvée chez les adultes fumeurs (4).
Egalement, le tabac est incriminé comme facteurs étiologique dans les exacerbations d’asthme notamment chez les enfants de parents fumeurs. (5,6)
Le sevrage tabagique doit faire partie intégrante de la prise en charge de l’asthmatique fumeur et de tout projet thérapeutique le concernant.
3/ Le Pneumothorax Spontané :
Le pneumothorax est défini par la présence pathologique d’air entre les deux feuillets pleuraux, Il est dû dans la majorité des cas, à la rupture d’une bulle ou d’une “bleb” (petite collection aérienne), le plus souvent apicale. L’inflammation des bronchioles distales induite par la fumée de tabac favoriserait la distension des “blebs” et leur rupture dans la plèvre.
Le tabac en est un facteur de risque capital, une relation entre le risque et la dose cumulée de tabac a été observée, et l’arrêt du tabac chez un sujet ayant fait un pneumothorax réduit le risque de récidive.(7)
Figure N 2 : un schéma d’un Figure N 3 : une radiographie
pneumothorax total gauche d’un pneumothorax total droit.
4/ Les Pneumopathies infiltrantes Diffuses (PID) :
Certaines PID ont un lien fort avec le tabagisme actif notamment :
–l’Histiocytoselangerhansienne : une pneumopathie infiltrante rare, de cause inconnue. Elle est caractérisée par une accumulation anormale dans le parenchyme pulmonaire, de cellules de Langerhans, de lymphocytes et d’éosinophiles. La prévalence du tabagisme rapportée dans les études est de 95 % à 100 % (8), cependant son mécanisme d’action reste discuté.
– la Bronchiolite respiratoire associée ou non à une pneumopathie interstitielle : Elle est caractérisée par l’accumulation de macrophages pigmentés dans les bronchioles respiratoires. L’expression clinique de la maladie est souvent discrète. Elle apparaît vers l’âge de 40-50 ans et se traduit par une toux et une dyspnée d’effort. Des râles crépitants sont perçus dans la moitié des cas.
–la Pneumopathie interstitielle desquamative : caractérisée par l’accumulation de nombreux macrophages pigmentés dans les alvéoles pulmonaires.
–la Fibrose pulmonaire idiopathique : se caractérise par une inflammation et une fibrose détruisant l’architecture pulmonaire de manière hétérogène. Elle touche plus fréquemment les hommes âgés de 50 à 60 ans.
–la Pneumopathie interstitielle associée à une polyarthrite rhumatoïde : la PR est une maladie auto-immune qui touche essentiellement les petites articulations, elle est associée à une pneumopathie infiltrante dans 20 % des cas environ. L’atteinte pulmonaire succède habituellement aux manifestations articulaires, avec un délai moyen de 05 ans. Dans près de 15 % des cas, les atteintes pulmonaire et rhumatismale sont simultanées. (9)
–l’asbestose : Il s’agit d’une fibrose pulmonaire d’évolution lente, consécutive à l’inhalation et à la rétention pulmonaire de fibres d’amiante. Elle devient symptomatique après une période de latence comprise entre 20 et 30 ans, et sa sévérité semble corrélée à l’intensité et à la durée d’exposition au tabac. (9)
5/ Infections respiratoires :
Il est bien démontré que le tabagisme actif augmente le risque d’infections respiratoires (ORL et broncho-pulmonaires) par altération des mécanismes de défense immunitaires.
Chez l’adulte, les pneumonies communautaires à pneumocoque (10,11), la légionellose, et l’infection par chlamydia, sont particulièrement plus fréquentes chez le fumeur.
Chez l’enfant, il existe un lien entre le tabagisme parental etles maladies respiratoires (infections saisonnières, otites), et l’hospitalisation pour infection respiratoire basse.Le risque augmente avec le nombre de personnes fumeuses et la quantité de tabac fumée à la maison.
Le temps de guérison de ces affections ORL est allongé par rapport à celui d’enfants non exposés au tabagisme passif (12) et l’indication d’adénoïdectomie est multipliée par quatre (13).
6/ Tuberculose maladie :
Le tabagisme modifie la présentation clinique de la tuberculose pulmonaire, la toux et la dyspnée sont plus fréquentes chez le fumeur. Sur le plan radiologique, les opacités excavées, les nodules et les infiltrats, la bilatéralité des lésions et la miliaire sont plus souvent notées, la positivité de l’examen microscopique est plus souvent retrouvée chez les fumeurs, comparativement aux non-fumeurs. L’étude de Fekih et al. a montré un délai de guérison de la TBP supérieur chez les fumeurs par rapport aux non-fumeurs.
Les séquelles cliniques (dyspnée) et radiologiques (opacités excavées et surtout fibrose pulmonaire) sont plus fréquentes chez les fumeurs, comparativement aux non-fumeurs, le tabagisme présente aussi un de risque de mortalité par tuberculose.
B- Tabac et Cancers :
Le tabagisme est responsable de plusieurs cancers dont principalement les cancers broncho-pulmonaires, ORL, mais aussi les tumeurs de la vessie et des voies urinaires et du pancréas.
Les mécanismes incriminés sont complexes ;
- Facteurs cellulaires, par altération du matériel génétique des cellules. La fumée de cigarette recèle jusqu’à 4000 composés chimiques particulièrement toxiques, dont au moins 50 sont cancérigènes, leurs effets s’exercent en altérant la structure de l’ADN des cellules. Certaines altérations sont réparées par la cellule elle-même, mais à force d’être exposées à ces toxiques, ces anomalies deviennent des mutations irréversibles donnant naissance à des cellules cancéreuses.
- Facteurs tissulaires par modifications histologiques de la muqueuse bronchique.
- Facteurs génétiques : plusieurs des études ont avancé l’hypothèse d’une inégalité de l’équipement enzymatique définissant ainsi des populations à risques différents, certains sujets posséderaient des enzymes capables de dégrader les agents cancérigènes.
1/ Cancer broncho-pulmonaire :
Le tabac est de loin le facteur étiologique principal du cancer bronchique primitif, le lien entre l’usage du tabac et le cancer du poumon a été établi il y a cinquante ans grâce à l’étude réalisée par Doll et Hill auprès de médecins britanniques (14). Plus de 9 cancers broncho-pulmonaires sur 10 sont directement liés au tabac.
Le risque de cancer broncho-pulmonaire et sa mortalité augmentent avec la durée, la quantité de consommation de cigarettes et le degré d’inhalation, ce risque est d’autant plus élevé que l’on commence à fumer jeune ; il diminue pour les sujets ayant arrêté de fumer, et ce d’autant plus que l’arrêt est ancien, d’ailleurs, l’espérance de vie devient presque identique à celle du non-fumeur 10 à 15 ans après l’arrêt du tabac.
En 1986, les rapports du Surgeon General et de l’Académie Nationale des Sciences des États-Unis d’Amérique concluaient que l’exposition passive à la fumée du tabac est une cause de cancer du poumon. (15)
2/ D’autres cancers sont également causés par le tabac
-Tout d’abord, les cancers des sphères ORL et aérodigestive. Le risque relatif de cancer du larynx associé au tabagisme est de 10, il est compris entre 4 et 5 pour les cancers de la cavité buccale et du pharynx, et varie entre 2 et 5 pour l’œsophage.
– cancer dela vessie avec un risque multiplié par 2.
– le cancer du rein, le tabac était clairement impliqué dans la survenue du carcinome rénal [21], le risque relatif de cancer du rein chez un fumeur par rapport à une personne n’ayant jamais fumé est de 1,38.
– le pancréas avec un risque multiplié par 2 à 4.
– Également, le col utérin, de l’estomac, du foie, la leucémie myéloïde aiguë et le sein.
– Le tabagisme est associé à une incidence accrue de métastases pulmonaires des cancers du sein. Il a été rapporté : un taux de métastases pulmonaires de 8,7 % chez les non-fumeuses et de 14,3 % chez les fumeuses, et un risque qui semble être proportionnel à l’intensité du tabagisme. (16)
C- Tabac et Maladies Cardio-Vasculaires : « Un rôle important et sous-estimé en pathologie cardiovasculaire »
Le tabagisme est un facteur de risque cardiovasculaire majeur. Plus d’un décès cardiovasculaire sur dix dans le monde peut être attribué au tabagisme, ce qui représente la plus importante cause de mortalité cardiovasculaire évitable. Il est le facteur essentiel et souvent isolé des accidents coronaires aigus des sujets jeunes.
La fumée de tabac contient des particules inflammatoires et irritantes (benzènes divers, dérivés d’hydrocarbures) en atteignant le sang, ces particules créent un état inflammatoire chronique au niveau des parois des vaisseaux sanguins, ce qui les fragilise, et favorise ainsi la création des micro brèches par lesquelles s’engouffrent le cholestérol. Ceci a pour conséquences, le développement des maladies thromboemboliques.
D- Tabac et Fertilité
L’inhalation de la fumée de tabac paraît altérer la fertilité dans les deux sexes, Il a été observé une stérilité dans les deux sexes plus importante. Elle est estimée à des taux de 15 à 20% dans les pays développés. (17)
Chez l’homme : Une diminution des capacités sexuelles et de la fertilité ; la spermatogénèse est diminuée et une impuissance deux fois plus importante
Chez la femme : Il existe une diminution de la fertilité, un allongement du délai pour le début d’une grossesse à l’arrêt des contraceptifs.
E- Tabac et Peau : souplesse et coloration.
La fonction ventilatoire est fortement diminuée par le tabagisme, cela a pour conséquence une réduction de l’oxygénation de la peau, avec pour effet une altération de l’épiderme avec des rides et ridules apparaissant de manière précoce, plus creuses, un teint terne, des doigts jaunis.
F- Tabac et Hormones
Les femmes fumeuses développent une ménopause plus précoce d’environ de 2 ans [26], ce qui a pour effet, des os plus fragiles, une ostéoporose, un risque plus important de fractures, et un risque plus précoce de pathologies cardiovasculaires. Le risque d‘AVC chez la femme jeune est augmenté par le tabac et par la prise d’oestro-progestatifs.
Egalement et toujours chez la femme, le tabagisme bouleverse l’équilibre hormonal, ce qui entraîne une nouvelle répartition des graisses corporelles au niveau du ventre majorée par la ménopause.
G- Tabac, Grossesse et Allaitement :
Le rôle nocif du tabagisme sur l’évolution et l’issue de la grossesse a été très largement étudié (18,19), il est considéré comme un facteur de risque de complications au cours de la grossesse. Il peut compromettre le développement du fœtus. On cite :
Avortement spontané, avec le taux multiplié par 2 ou 3.
Hémorragies, Hypotrophie fœtale, Prématurité avec un risque multiplié par deux.
Faible poids de naissance : les enfants nés de mères fumeuses pèsent 200 grammes de moins que les enfants nés de non fumeuses.
Syndrome de mort subite du nourrisson (MSN) : le tabagisme maternel constitue, actuellement, le principal facteur de risque de MSN(20).
Malformations congénitales : Le risque de fente palatine est plus important et semble être dose-dépendant.(21)
Les fumeuses produisent environ 1/4 de lait de moins que les non-fumeuses.
H-Tabac et Chirurgie
Les complications péries et post opératoires sont particulièrement plus fréquentes chez le patient fumeur notamment s’il n’a pas arrêté de fumer au moins 15 jours avant l’intervention, avec un risque d’infections et de maladies coronaires multiplié par 03. Les complications chirurgicales post opératoires médiate et à distance sont également fréquentes : éventration après laparotomie, médiastinite, lâchage de suture digestive, retard de consolidation osseuse. Les Complications de cicatrice sont plus fréquentes deux à quatre fois plus.
J- Tabagisme et diabète :
Le tabagisme aggrave les micro et macro-angiopathies diabétiques. Les néphropathies des diabétiques de type I ou II sont aggravées par le tabac.
V – Conclusion :
Le tabagisme est un danger mortel aussi bien pour les fumeurs que pour les non-fumeurs,Il est impliqué dans la survenue et ou l’aggravation de plusieurs maladies.
La prévention et le sevrage tabagique chez le fumeur restent à ce jour nos seules armes contre ce fléau, de même que les méfaits du tabagisme passif justifient pleinement d’informer et sensibiliser le corps médical et paramédical sur son devoir de lutter contre ce fléau et des pouvoirs publiques pour mener des actions concrètes dans les différents établissements. Sans appel, ces actions permettent de diminuer les complications, ce qui constituerait un gain important en termes de santé et en termes d’économie.
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