L’art s’est souvent fait le médiateur entre la souffrance et la guérison, la pathologie et l’espoir. L’origine des soins échappe à toutes les explorations, on peut penser que l’art de soigner est né du moment où les Hommes ont souffert.
La femme a toujours été guérisseuse, donc les soins s’attachent fondamentalement aux activités de la femme. C’est elle qui met au monde, c’est elle qui a la charge de “prendre soin” de tout ce qui entretient la vie quotidienne de la collectivité[1].
Les soins servent à lutter contre la maladie et la mort, et permettent de prolonger la vie. Initialement, Ils étaient une occupation, quasi spontanée, fondée sur une tradition orale et empirique (pratique et expérimentale), puis un métier et enfin une profession. Les soins ont derrière eux une longue histoire où interfèrent magie, croyances et religiosité[2].
I)-Définition du mot « soin » :
L’étymologie du mot soin traduit un sens double, matériel et spirituel, il possède deux racines : l’une songne vient du latin médiéval Sunnia et du francique sunnja et signifie «nécessité, besoin» ; l’autre soign qui vient du latin tardif sonium qui veut dire «souci, chagrin»[3].
L’acte de soigner référait donc au corps dans ses différents aspects, banal voire contraignants. En même temps, le soin revêtait un sens psychologique puisqu’il désignait le souci, la préoccupation, l’inquiétude pour le corps et ses besoins. Ce n’est qu’au XVIIème siècle que le verbe Soigner s’est spécialisé avec la valeur actuelle de «s’occuper de la santé ou du bien–être de quelqu’un[4]».
II)-L’art de soigner et de guérir dans la préhistoire :
La préhistoire est une très longue période qui a commencé il y a environ 3 millions d’années[5] et elle s’est terminée avec l’apparition de l’écriture vers 3500 ans avant Jésus-Christ en Égypte et Mésopotamie.
Les paléontologues possèdent de nombreux témoignages sur les maladies affectant les os, par exemple des maladies inflammatoires, des maladies traumatiques, des malformations congénitales[6], ou tuberculose osseuse. Et sur la base de certains stigmates, ils nous ont même décrit des interventions destinées à soigner des personnes atteintes de certaines pathologies[7].
Le terme de soins thérapeutiques peut sembler exagéré, mais les indices découverts montrent que ces hommes préhistoriques avaient une certaine connaissance du corps humain et des soins éventuels à lui apporter, parmi les techniques de soins existaient :
1)-Les trépanations :
La trépanation consiste à réaliser un orifice dans un os du crâne, son nom vient du trépan, l’instrument utilisé pour percer la boîte crânienne[8].
On a longtemps pensé que la pratique de la trépanation était née avec la civilisation néolithique il y a 8 000 à 9 000 ans au plus[9].
Le site d’Afalou bou Rhummel (Babors, Algerie) a permis la découverte d’une importante série d’ossements humains dont des cranes trépanés (photos01)[10].
La population du gisement de Taforalt au Maroc a montré aussi un exemple absolument typique et incontestable de trépanation[11].
On peut penser que ces perforations étaient pratiquées soit par incision de l’os, soit par grattage au moyen d’un couteau ou d’une scie primitive en pierre aiguë en silex[12] (photos02).
2)-Les contentions :En effet, La trépanation a été faite soit pour retirer l’esprit malveillant qui s’était emparé du corps du patient, ou en tant que traitement palliatif des maux de tête, de l’épilepsie, de convulsions ou de paralysies post traumatiques[13].
Certains archéologues affirment qu’il existait dans la préhistoire des méthodes de contentions pour soigner leurs malades, ils ont découvert à Java (Indonésie) en 1891, un squelette dont un humérus fracturé portait des traces de fibres de lin et de farine de froment (blé) ayant probablement servi à constituer une sorte d’emplâtre, précurseur des futurs moyens de contention[14].
3)-Des soins de rééducation :
À défaut de savoir remettre en place des fractures trop complexes, les hommes du Néolithique accompagnaient la consolidation en effectuant une véritable rééducation pour garder l’utilisation du membre[15].
4)-Soins dentaires :
Dans l’Est de l’Algérie, deux civilisations se reconnaissent, la plus ancienne l’Ibéromaurusien[16] entre 22.000 et 8.000 ans, les hommes ont systématiquement pratiqué l’avulsion des incisives du maxillaire supérieur[17].
L’autre civilisation, le Capsien[18] a duré plus de 2000 ans, les archéologues ont trouvé dans l’escargotière de Faïd-Souar II (Oum Bouaghi) un crâne qui a subi deux mutilations
intentionnelles au niveau de la denture (photos03).
Certains gestes de dentisterie semblent avoir été également connus de nos lointains précurseurs : la célèbre mâchoire découverte à Ehringsdorf, près de Weimar, porte la trace de l’avulsion de deux incisives, certainement à la suite d’un choc.
Au Japon quelques crânes portant aussi des mutilations dentaires artificielles, et des dents limées de la main de l’homme. Dès l’ère néolithique, on extrayait des dents malades, si on ne pouvait encore les soigner[19].
Les chercheurs ont découvert sur le site de Krapina en Croatie, une dentisterie artisanale, au microscope, ils ont observé des traces de frottement sur la dentine, des fractures de l’émail survenues avant la mort. Et même, sur certaines molaires, les marques de l’usage d’un cure-dents[20].
5)- Les amputations :
Il y a 7 000 ans les hommes de la Préhistoire ont amputé un membre sans faire mourir le « patient », la fouille du site néolithique ancien de Buthiers-Boulancourt (Seine-et-Marne en France) a révélé le plus vieux témoignage d’une amputation, une étude vient d’être publiée dans la revue Antiquity concernant un squelette découvert dans ce site (à 70 kilomètres de Paris), les chercheurs émettent l’hypothèse que le bras de cet homme a été arraché suite à un accident (photos4). Il a été ensuite « opéré » de façon à couper proprement la blessure à l’aide de silex[21].
L’étude des ossements confirme que ceux-ci ont cicatrisé et que l’homme a survécu plusieurs mois à son opération, le fait d’avoir survécu à ses blessures et son âge montrent que son entourage a dû le soigner en permanence lors de sa convalescence et la fin de sa vie.
6)-Les soins des cheveux :
Certains arguments archéologiques viennent confirmer l’hypothèse d’un souci hygiénique de l’homme préhistorique, telle que l’utilisation par les néandertaliens de pinces de crustacés afin de peigner les cheveux et probablement y retirer les parasites[22].
III)- L’art de soigner et de guérir dans l’antiquité :
Dans les divinités antiques, la maladie a été attribuée à la sorcellerie, aux démons, aux influences astrales contraires ou à la volonté des dieux.
Toutes les sociétés humaines avaient recours à des croyances médicales relevant du mythe ou de la superstition pour expliquer la naissance, la mort et la maladie[23].
1)-En Égypte :
Vers 3100 ans avant J-C, une civilisation voit le jour au bord du Nil ; cette civilisation commence avec l’unification des deux terres, la Haute et la Basse Égypte, sous l’autorité d’un roi unique, représentant le Dieu suprême parmi les hommes : Pharaon[24].
Les soins sont fortement teintés de magie, il n’y était pas question d’hôpitaux, mais, il existait des établissements voués aux soins situés dans des temples, comme le temple de d’Hatchepsout[25]. Ils étaient fréquentés par des malades cherchant une guérison[26].
C’est grâce aux papyrus conservés dans les collections égyptiennes des grands musées du monde, comme le musée du Caire, que nous possédons quelques connaissances sur les techniques et méthodes de soins dans l’Égypte ancienne. Le papyrus d’Eberth est le meilleur exemple, il comporte des recettes thérapeutiques pour soigner les blessures, brulures, piqures et morsures. On peut les résumer si dessous :
1-1)-L’embaumement :
Les soins apportés au corps d’un mort prenaient le nom d’embaumement. Pour assurer le passage vers l’au-delà, les égyptiens pratiquaient la momification parce qu’ils croyaient à la vie après la mort, et pour protéger les momies des parasites (photos05) ; et pour cela ils utilisaient le pyrèthre une plante dont les racines ont des propriétés vermifuges et parasiticides[27].
L’embaumement était placé sous la protection d’Anubis, le dieu à tête de chacal auteur de la première momie : celle d’Osiris, tué par son frère Seth puis ressuscité en oiseau et devenu le protecteur des morts (photos06).
Les embaumeurs procédaient aux diverses opérations de momification, dont la durée était théoriquement de 70 jours. La technique se faisait par le lavage des viscères avec du vin, puis l’ajout de sel et enfin l’enroulement des organes dans des bandelettes qui seront placés dans des vases sacrés qui se nomment « Canopes » (photos07). Le vase à tête de chacal contenait l’estomac, celui à tête de faucon les intestins, le vase à tête de babouin les poumons et celui à tête d’homme le foie[28].
Le corps était ensuite desséché à l’aide de natron[29]. Les embaumeurs plaçaient dans l’abdomen des paquets contenant du natron et des substances aromatiques, puis ils exposaient le corps au soleil, le climat très sec favorisant le processus de dessèchement. Après dessèchement des tissus, les embaumeurs lavaient le corps et l’oignaient avec diverses huiles et résines[30], afin de rendre à la peau une certaine souplesse.
On remplissait les cavités abdominales et la cage thoracique à l’aide de tampons de lin imbibés de résine, de sciure de bois. Venait ensuite la pose des bandelettes en lin, phase au cours de laquelle étaient placées les amulettes (photos08). Les membres étaient emballés séparément, puis l’intégralité du corps au moyen de plusieurs épaisseurs de tissus. On entourait alors la momie d’un suaire[31].
1-2)-Les contentions :
A une période plus tardive, dans l’ancienne Égypte, on retrouve des preuves évidentes de l’utilisation de la contention pour les vivants et pour les morts. Les vivants d’abord étaient fréquemment soignés et soulagés par des bandages, la pose d’un bandage chez un patient était considérée comme un acte médical et religieux important qui réclamait la protection des dieux[32].
C’est dans le mythe d’Isis et d’Osiris qu’il faut chercher les preuves de l’importance de la contention. Osiris est le dieu fondateur de la royauté égyptienne, fils du ciel et de la terre, il est tué par son frère jaloux de lui pour des questions d’héritage. Ce frère envieux et méchant après avoir tué Osiris, le découpe en morceaux qu’il disperse selon la légende dans le delta du Nil. C’est alors que la déesse Isis qui est l’épouse d’Osiris recherche et rassemble les morceaux du corps de son époux afin de le faire ressusciter grâce à ses pouvoirs magiques. Mais afin que l’âme d’Osiris puisse à nouveau revenir à l’intérieur de son corps, il faut réunir fermement les éléments dispersés de son corps par des bandages serrés. C’est ainsi qu’apparaît en Égypte la première contention[33].
1-3)- Les amputations :
On peut considérer que l’histoire des amputations commence le jour ou des archéologues découvrent dans un sarcophage égyptien une momie présentant au niveau d’un membre supérieur un appareillage de types prothétique[34].
Enfin, il faut préciser qu’il n’y a aucune preuve que les égyptiens aient pratiqué la trépanation, les trépanations sont parfois en rapport avec certaines techniques de momification, l’extraction du cerveau était effectuée par voie transnasale, mais pour faciliter certaines extractions difficiles de l’encéphale, les embaumeurs etaient amenés à realiser de veritables trepanations post mortem[35].
2)-En Mésopotamie :
La Mésopotamie, aujourd’hui l’Irak, est une région située au Proche-Orient qui désigne le pays « entre les deux fleuves », le Tigre et l’Euphrate. Elle a été, trois millénaires avant notre ère, le siège de remarquables civilisations : Assur, Ninive, Babylone, furent les capitales de puissants empires[36].
L’art de guérir en Mésopotamie fut comme tous les peuples de la haute antiquité, fondé sur la magie et la religion. Des tablettes d’argiles apportent la preuve indiscutable de l’existence de cet art. Il s’agit des onguents, des décoctions, des pommades et de suspensions buvables. Ainsi, d’autres produits comme le chanvre, l’opium, l’ivraie qui servaient de narcotiques et enfin, les massages abdominaux et les prescriptions diététiques, telles le vin de palme, la bière d’orge fermenté[37].
Les conceptions de soins étaient aussi un mélange curieux et confus de magie, d’astrologie et de divination. Pour lutter contre les «malheurs», les mésopotamiens faisaient appel à deux types de soigneurs :
– Le premier portait le nom d’Ashipu désigne « Sorcier », son rôle essentiel consistait à diagnostiquer le mal, il devait déterminer si la dite maladie ne pouvait pas être la conséquence d’une erreur ou d’un péché de la part du malade. Une fois la cause établie, l’Ashipu pouvait essayer de guérir le patient au moyen de « charmes de prières et d’incantations»[38].
– Le second praticien qui portait le nom d’Asu et qui était le spécialiste des traitements à base de plantes. Pour soigner les blessures, par exemple, il faisait reposer ses soins sur trois techniques de bon sens : nettoyage de la plaie (avec utilisation de plantes), bandage et maintien en place au moyen de plâtres[39].
3)-La Grèce antique :
Le soin apparaît en Grèce comme la raison d’être, l’étude de l’art de soigner nous mène à l’œuvre d’Homère[40] et à d’autres sources plus récentes et peu nombreuses. Les Grecs vouaient un véritable culte au corps et à la beauté, leurs déesse de la santé et de la propreté « Hygie » fille d’Asclépios[41], elle est représentée le plus souvent avec un serpent enroulé autour de son bras et buvant dans une coupe qu’elle tient à la main, l’emblème des pharmaciens aujourd’hui[42].
Beaucoup de Grecs font reposer la guérison sur des pratiques et méthodes thérapeutiques prenons ses exemples suivants :
3-1)-Le miel :
Le miel est incroyable pour la peau grâce à ses propriétés antibactériennes et anti oxydantes[43]. Les Grecs l’appliquaient directement sur le visage et le corps pour améliorer la douceur et l’éclat de la peau ou le mélangeaient avec du lait, de l’huile d’olive et des herbes diverses, il le sert notamment comme remède pour traiter les infections de la gorge[44].
3-2)-Le sel de mer comme exfoliant :
Le sel est un symbole de purification et de destruction chez les grecs, il aidait à enlever la saleté, les cellules mortes et comédons, et nourrir, tonifier et détoxifier la peau. Les Grecs l’appliquaient directement ou le mélangeaient avec de l’huile d’olive pour un peeling naturel hydratant[45].
3-3)- la cryothérapie :
La cryothérapie vient de l’association des termes grecs « kruos » qui signifie froid et « therapeuein » qui signifie soigner[46]. L’utilisation du froid pour se soigner remonte à la Grèce antique, dans ses écrits, le médecin Hippocrate, au 5ème siècle avant JC, souligne l’utilisation de la glace et de la neige comme antalgique et anti-inflammatoire pour tenter de soigner ou de soulager des maux chez les malades[47].
3-4)- La diététique :
La diététique avait en Grèce un caractère élitiste, qui s’est même conservé de nos jours. Le régime des athlètes, qui essayaient d’obtenir le meilleur rendement sportif, était une bonne méthode de soins connue depuis l’antiquité. Les gymnases prenaient soin de la fixation du régime alimentaire, le choix et la quantité de la nourriture adéquate pour développer un corps fort et beau[48].
4)- La Rome antique :
Les soins de la Rome antique héritent directement des soins de la Grèce antique, dès cette époque les soins liés à l’hygiène du corps apparaissent.
Les trouvailles archéologiques nous montrent l’existence de toute une série de soins corporels, pour preuve: peignes, épingles à cheveux, rasoirs, miroirs, cure-oreilles et cure-dents[49]. Les méthodes de soins utilisaient fréquement par les romains sont :
4-1)-les soins de la bouche et des dents :
Les romains utilisaient pour leurs soins de bouche une poudre à base de soude, appelée « dentifricum », de l’urine, de la cendre de corne de cerf pour les douleurs dentaires[50].Ils utilisaient aussi des cure-dents en bois, os ou en metal pour nettoyer entre les dents[51].
4-2)-L’epilation :
Les fouilles archéologiques effectuées sur la plupart des sépultures féminines datant de cette époque ont permis de mettre au jour des quantités impressionnantes de pinces à épiler (photos09). Les femmes romaines s’epilaient les aisselles et les jambes avec une crème dépilatoire à base de poix[52] dissoute dans de l’huile et parfois melangée à de la resine de pin ou de la cire[53].
4-3)-Le massage :
Les Romains utilisaient le massage pour assouplir les tissus, préparer les lutteurs et soulager les douleurs des gladiateurs[54].
4-4)-Soigner les plaies :
Les soigneurs romains compressaient la plaie à l’eau vinaigrée pour arrêter l’hémorragie, puis nettoyaient la blessure des caillots de sang. Les plaies souillées étaient ensuite suturées et parfois recouvertes d’un mélange appelé barbarum (huile, vinaigre, aluminium, oxyde de plomb)[55].
5)-L’art de guérir et de soigner en Europe au Moyen âge :
Le Moyen Age est une période longue de dix siècles dans l’histoire de l’Europe. Il s’étend de la chute de l’Empire romain à la chute de l’empire byzantin ou à la Renaissance, soit du 5ème siècle au 15ème siècle de notre ère[56]. L’assistance aux malades se faisait dans les monastères par les moines et les nonnes. Les soins consistaient à distribuer les repas, laver les malades, assister les femmes en couches et transporter les blessés[57]. Parmi les méthodes de soins utilisées :
5-1)-Soigner par les plantes (phytothérapie) :
Au Moyen-âge on avait une bonne connaissance des plantes, on utilisait l’écorce de saule pour traiter la fièvre[58] et l’armoise qui a pour effet de débarrasser le système digestif des vers[59]. On utilisait notamment du pavot et même du cannabis comme analgésique[60].
5-2)-Les amputations :
La plupart des amputations étaient dues aux batailles mais aussi à la lèpre et à la gangrène. Les méthodes primitives étaient de nouveau employées durant le moyen âge : on coupe, on plonge dans l’huile chaude et on finit au fer rouge. Ceux qui ne succombaient pas aux hémorragies et aux infections étaient rares[61].
5-3)-Les saignées :
C’est au Moyen Âge que fut pratiquée la saignée d’une manière excessive[62], ce sont le plus souvent les barbiers, et plus tard les chirurgiens qui rempliront cet office. A partir du 15eme siècle, avec le développement de l’astrologie qui devient une science incontestée, la date et même l’heure de la saignée prennent une importance considérable[63].
Les saignées consistent à provoquer l’évacuation d’une certaine quantité de sang[64]. La veine céphalique, par exemple, était ainsi appelée parce que la saignée à cet endroit servait à soulager les maux de tête et les hémorragies nasales[65].
6)- L’art de guérir et de soigner dans le Monde Arabo-musulman :
La femme musulmane avait le mérite de soigner dans le domaine du secourisme et du nursing, certaines d’entre elles ont joué un rôle important depuis l’aube de l’Islam. Elles étaient volontaires et bénévoles dans les batailles du prophète, s’occupant des malades, portant les ustensiles pleins d’eau et tout le nécessaire de bandages pour secourir les blessés, pansant leurs plaies et immobilisant leurs fractures.
Le prophète lui-même enseignait les mesures d’hygiènes à ses fidèles, insistant sur l’importance du jeûne, du miel et de la cautérisation à fin de soigner le corps[66], le Messager (qu’Allah le bénisse et le salue) a dit : « Cinq choses sont des dispositions naturelles, ôter les poils du bas-ventre, la circoncision, se tailler les moustaches, s’épiler les aisselles, et se couper les ongles »[67].
A partir du 7eme siècle après Jésus Christ, les malades étaient soignés dans des hôpitaux dénommés bîmâristâns[68], ils étaient accueillis et pris en charge par un personnel qualifié à Damas ou à Bagdad, Il suffit d’évoquer quelques glorieux nom de la médecine : Al-Kindi, Al-Razi (Rhazes)[69], Ibn Sina (Avicenne), Ibn al-Nafis[70].
7)- L’art de guérir et de soigner pendant la renaissance :
Le 15ème et le 16ème siècle est une période de transition entre le Moyen Âge et les temps modernes, cette période est appelée Renaissance.
Le malade de la Renaissance s’adressait à une multitude de personnes qui pouvaient le soigner ou le guérir. Il y a d’abord les religieuses et les moines, puis les chirurgiens qui étaient des artisans exerçants un métier manuel et enfin le groupe des médecins[71].
Au seizième siècle, les soignants combattaient “l’empoisonnement” dû à la poudre des armes à feu par cautérisation à l’huile bouillante ou au fer rouge, ce même geste était utilisé aussi pour les amputations, par la suite l’huile bouillante fût remplacée par un mélange de jaune d’œuf, d’huile de rose et de térébenthine[72].
8)- L’art de guérir et de soigner à l’époque moderne et contemporaine :
En France au 17ème siècle le prêtre Saint-Vincent de Paul fondait la compagnie des « filles de la charité »[73], afin de soigner les pauvres et les malades dans les églises.
En Angleterre, les soins sont donnés par des femmes ignorantes et grossières qui maltraitent les malades[74]. Pour cela une réforme des soins s’est avérée urgente et nécessaire au début du 19ème siècle. Cette réforme a été l’œuvre de Florence Nightingale en Angleterre, une infirmière Anglaise, qui a exercé une activité exemplaire pour donner des soins aux soldats malades ou blessés[75]. L’infirmière est devenue une professionnelle autonome dont le rôle est complémentaire de celui des autres professionnels de la santé.
Le terme infirmière est utilisé pour la première fois au 19ème siècle pour le personnel de l’Assistance Publique de Paris reléguant le terme de garde- malade.
Au 20ème siècle les soins contribuent à maintenir et à entretenir la vie. L’infirmière est aidante, elle devient une auxiliaire médicale car les médecins ont besoin d’aide face aux découvertes du début du siècle[76].
Conclusion :
La profession de soignant est à l’origine un métier de femme, et la transmission du savoir n’était qu’orale, elle ne savait souvent ni lire ni écrire. Mais grâce à son observation et sa recherche, la femme accumule une grande connaissance sur le bien être des malades.
Les méthodes de soins n’ont cessé d’évoluer au fil des temps. Le long parcours de l’art de soigner est une voie plongée dans un lointain passé, mais ouvrant sur le temps d’aujourd’hui qui nous permet de mieux comprendre les récents bouleversements survenus au sein de cette discipline. Il nous montre aussi comment le langage, la pensée et la pratique des soins de chaque époque se rattachent à son environnement philosophique, scientifique et social.
Une meilleure compréhension de ce passé est primordiale, elle permet de saisir la signification originelle des soins : celle de promouvoir la santé, prévenir la maladie et guérir les malades.
La recherche dans le domaine de soigner aura sûrement de nouvelles méthodes dans les années à venir, il est important donc d’intégrer l’histoire des soins dans les programmes d’études des écoles d’infirmières.
Enfin tout en y ajoutant de récentes notions : selon Sigmund Freud, le métier de soignant est l’un des trois «métiers impossibles», les deux autres étant : éduquer et gouverner. Cette formule associe ces 3 métiers au fait que jamais le résultat espéré ne sera atteint. La personne exerçant l’un de ces trois métiers est certaine d’échouer. Il faut dans ces métiers quitter la logique de résultat pour la logique des finalités. [77].
[1] Laurette Mira, Pour en finir une bonne fois pour toute avec l’histoire, in : Revue Coordination Nationale Infirmière(CNI), N°26, Janvier2008.
[2] Helena da Silva, Soigner à l’hôpital : histoire de la profession infirmière au Portugal (1886-1955), thèse de doctorat, l’École des Hautes Études en Sciences Sociales ; paris, in : Bulletin Amades, 2011, p.84.
[3] Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Paris, 1993.
[4] Céline Lefève «La philosophie du soin», in : La Matière et l’esprit, université de Mons -Hainaut, avril 2006, P.2.
[5] Yves Coppens, «l’histoire de l’histoire de l’homme», in : Revue de l’Institut de l’information scientifique et technique(INIST), 1987, pp.15-25.
[6] Marie-Claude Chamla, Jean Dastugue et Slimane Hachi, « Afalou-Bou-Rhummel », in : Encyclopédie berbère, Volumes no 2, Aix-en-Provence, Edisud, 1985.
[7] Jacques Cayotte, La médecine aux temps préhistoriques, Académie nationale de Metz, 1976, p.296.
[8]Bernard Ziskind, « les anciens égyptiens pratiquaient-ils la trépanation ? », in : La revue du praticien, Vol. 67, Janvier 2017, p.112.
[9] Just Lucas-Championnière, Les origines de la trépanation décompressive. Trépanation néolithique, trépanation pré-colombienne, trépanation des Kabyles, trépanation traditionnelle, Paris, Steinheil, 1912, p26.
[10] M.-C. Chamla, J. Dastugue et S. Hachi, opcit, p.1.
[11] Jacques Cayotte, op.cit., p.297.
[12] Jacques Alibert, Alphonse Aymar, Charles Boudou, « Hypothèses sur l’outillage de la trépanation préhistorique », in : Bulletin de la Société préhistorique française Année, 1924, pp. 112-115.
[13] Grégoire Tsoucalas, La médecine Grecque de l’époque pré-Hippocratique, éditions Saint-Georges, Grèce, 2017, p.10.
[14] Jacques Cayotte, op.cit., p.286.
[15] Anne-Sophie Biclet, « Médecine de la Préhistoire », in : Actuailes, n° 81, 14 février 2018.
[16]«Ibero» pour la péninsule ibérique, et «maurusien» pour les Maures de Maurétanie
[17] Jean Granat , Jean-Louis Heim, Prothèse dentaire préhistorique ostéo-implantée, Société Française de l’Art dentaire,2002.
[18] Ce nom vient de Gafsa, ville de Tunisie.
[19] Jacques Cayotte, op.cit., p.300.
[20] David Frayer, Joseph Gatti, Janet Monge, Davorka Radovčić, Prehistoric dentistry, in: Bulletin of the International Association for Paleodontology, Vol.11 No.1, 2017, University of Kansas, p.10.
[21]Michel Gruet, «Les trépanations préhistoriques», in : Groupe Vendéen D’Études Préhistoriques, 1979, N°2, p.6
[22] Pierre Rouxel, étude historique comparative de l’hygiène et des règles religieuses des trois religions monothéistes, thèse, université Toulouse III, 2015, p.35.
[23] Pierre Ribon, Guérisseurs et remèdes populaires dans la France ancienne, Ed. Horvath, 1983, p.27.
[24] Pascal Hennequin, santé et hygiène de l’enfant dans l’Égypte ancienne, thèse dans le cadre du troisième cycle de Médecine Générale, Nancy1, université Henri Poincaré, 2001, p.26.
[25] Hatchepsout est la première reine d’Égypte de la 18° dynastie.
[26] Pascal Hennequin, op.cit, p.58.
[27] Guillot Dorothée, histoire de la pharmacie, la momie de sa confection à son utilisation, Paris, 2005, p.305.
[28] Vignol Nadège, la momification filière technique au temps de l’Égypte antique, 1999,p.7.
[29] Le natron, mélange naturel de sels de sodium. Voir : Patrick Josset, « Emplois thérapeutiques du natron dans l’Égypte antique et le monde gréco-romain », in : Revue d’Histoire de la Pharmacie, 1996, pp. 385-396
[30] Une résine désigne un produit polymère (naturel, artificiel ou synthétique) qui est une matière de base pour fabriquer par exemple des matières plastiques, textiles, peintures, adhésifs, vernis, mousses de polymère
[31] Linge entourant le corps du mort.
[32] Iskander et Harris, « A skull with silver bridge to replace a central incisor », in : Annales du Service des Antiquités de l’Égypte, 1977, N° 62, p.43.
[33] Christian Gardon-Mollard, 10 000 ans d’Histoire de la contention médicale, Éditeur Elsevier Masson, 2012, p.96.
[34] Amrane Lakhdar, Le traumatisme psychique chez les amputés, mémoire de master en Psychologie Clinique, thèse, Université Abderrahmane Mira- Bejaia 2013/2014, p.3.
[35] Bernard Ziskind, op.cit, p.113.
[36] Irissou Louis, « La thérapeutique dans l’ancienne Mésopotamie », In : Revue d’histoire de la pharmacie, 41e année, n° 136, 1953, p.19.
[37] Ducable Gérard, sous le titre de «L’art de guérir en Mésopotamie ancienne», Citation tirée de la communication présentée à la séance du 20 février 1982 de la Société française d’histoire de la médecine, p.27.
[38]Christine Lemaire-Duthoit, magiciens et sorciers au moyen âge, éditions ellipses, Paris, 2011, P13.
[39] Gérard Ducable, op.cit., pp23-25.
[40] Poète épique grec du 9e siècle av. J.-C., réputé être l’auteur de l’Iliade et de l’Odyssée.
[41] Fils d’Apollon et le dieu guérisseur le plus célèbre de l’antiquité.
[42] Service culturel-musée gallo-romain, catalogue de l’exposition « la médecine à l’époque romaine », Lyon-Fourvière, 2011, P15.
[43] Claude Viel, Jean-Christophe Doré, « Histoire et emplois du miel, de l’hydromel et des produits de la ruche », in : Revue d’Histoire de la Pharmacie, 2003, pp. 7-20.
[44] Catherine Crépeau, les vertus miraculeuses du miel, les éditions de l’homme, p.92.
[45] https://www.plus-saine-la-vie.com/beaute/9-conseils-pour-rester-jeune-selon-la-grece-antique.
[46] Danielle De Clecrcq, Étymons Grecs et latins du vocabulaire scientifique français, P.57
[47]Romain Bouzigon, « développement d’une nouvelle technologie de cryothérapie », thèse, Université de Franche-Comté, Ecole Doctorale environnement, Besançon, 2016, p.37.
[48] Grégoire Tsoucalas, La médecine Grecque de l’époque pré-Hippocratique, Éditions Saint George, 2017 ,p.144.
[49] Clara Aguston, C’est du propre! Hygiène et cosmétique à l’époque romaine, Musée Romain Vallon, 2007, p.7.
[50] François Gilbert, Danielle Chastenet ,La femme romaine au début de l’Empire, Errance éditions, 2013,p.94.
[51] Clara Aguston, opcit ,p.14.
[52] Matière visqueuse et agglutinante à base de résine ou de goudron végétal.
[53] Couteau Céline, Coiffard Laurence, « Petite histoire des dépilatoires ».,In: Revue d’histoire de la pharmacie, 93ᵉ année, n°345,2005, pp. 101-104.
[54] Sallenave Elsa, L’éveil du coma est entre nos mains, Diplôme d’État d’Infirmier, Promotion 2006/2009, Fondation Léonie Chaptal, p.22.
[55] Extrait de la Présentation du cours de Thierry Le Guyadec, « Petite histoire des plaies et des pansements », Service de Dermatologie de l’Hôpital d’Instruction des Armées HIA, Percy, janvier 2018.
[56] Didier Méhu, Gratia Dei Les chemins du Moyen Âge, Édition FIides, 2003, p40.
[57] Sara Caverzasio, mémoire de fin d’études, L’évolution du rôle infirmier à travers les formations, haute école valaisanne, 2007, p.54.
[58] Jacques Fleurantin, du bon usage des plantes qui soignent, éditions ouest France, 2013, p.205.
[59] Leonhart Fuchs, projet dépliant, « Le jardin du guérisseur de Charlemagne à Érasme : l’art de guérir par les plantes au Moyen Âge et à la Renaissance », Centre national d’Histoire des Sciences, in : De historia stirpium, Anderlecht, 2012, p.26.
[60] Chloé Bozzola, Botanique et art dentaire à travers les âges, Thèse en vue de l’Obtention du diplôme d’état de docteur en chirurgie dentaire, 2006, université Nancy1, p.6.
[61] Anne Curelli, « Douleur du membre fantôme : Influence de facteurs psychologiques », mémoire, université Charles De Gaulle de Lille3, UFR de psychologie, 2004, p.6
[62] Danièle Étienne, « La saignée à travers les âges », in : Soins, Vol 52, N° 716 – juin 2007, Institut Curie, Paris, p. 46.
[63] Laurence Moulinier, Le sang au Moyen Age, entre savoir et questionnements, science et imaginaire, éditions confluences, Bordeaux, 2003, pp.3-4.
[64] Michèle Bilimoff, les remèdes au Moyen Age, Edition ouest-France, juin 2011, p.56.
[65] Guy Strohmaier, « Réception et tradition : la médecine dans le monde byzantin et arabe»,in : Histoire de la pensée médicale en Occident, Paris, 1997, p. 131.
[66] Driss Moussaoui, Saadeddine El Otmani, « Introduction des hôpitaux dans les pays arabes et musulmans », in : Histoire des sciences médicales, T28, 1994, N°2, Fès, p130.
[67] Rapporté par Muslim, n° 261, at-Tirmidhî, Abû Dâoûd, an-Nassaï.
[68] Bîmâristâns de « bimar » malade et de « stan » lieu.
[69] Al-Razi a été le premier médecin connu pour avoir écrit des articles sur l’allergie et le système immunitaire.
[70] En 1242, Ibn Sina a été le premier à décrire la circulation pulmonaire.
[71] Guy Durand, Andrée Duplantie, Yvon Laroche et Danielle Laudy, histoire de l’éthique médicale et infirmière, Montréal, 2000, pp.101-136.
[72]C’est une oléorésine récoltée à partir des arbres résineux, de couleur jaune ou brunâtre selon l’origine de l’arbre.
[73] Matthieu Bréjon de Lavergnée, Histoire des Filles de la charité, Fayard, Paris, 2011, p.90.
[74] Rouis Hamouda, op.cit., p130.
[75] Alex Attewell, « Florence Nightingale (1820-1910)», in : Revue trimestrielle d’éducation comparée UNESCO, bureau international d’éducation, vol. XXVIII, n° 1, Paris, 1998, pp. 173-189.
[76] Laurette Mira, op.cit., p.131.
[77] Laboratoire de Pédagogie de la Santé, Les 30 mots de l’éducation thérapeutique du patient, Université Paris13, 2010, p.37.