INTRODUCTION
En décembre 2019, une épidémie de pneumonie due au nouveau coronavirus
2019, le SARS-CoV-2 ( severe acute respiratory syndrome coronavirus 2) a éclaté à Wuhan, Hubei, Chine[1]. Ce bétacoronavirus provoque une pathologie respiratoire parfois sévère, nommée Covid-19 par l’organisation mondiale de la santé (OMS). Le 12 mars 2020, l’OMS a déclaré la Covid-19 comme une pandémie[1-2]. Le taux de mortalité spécifique de la Covid-19 est variable[3]. Alors que le taux global est d’environ 2,3%, il atteint 8,0% et 14,8% chez les patients âgés, respectivement, de 70 à 79 ans et ≥ 80 ans[3]. Le diagnostic positif de la Covid-19 repose sur un ensemble d’éléments regroupant la notion de contact avec un cas suspect/confirmé de Covid-19, les résultats des prélèvements virologiques, et la présence de signes cliniques et radiologiques évocateurs[4-5]. Les examens virologiques consistent en un test d’acide nucléique SRAS-CoV-2 (par écouvillonnage naso-pharyngée ou d’autres échantillons des voies respiratoires supérieures) et/ou un test sérologique des immunoglobulines (IgM et IgG) qui a une spécificité > 95% pour la Covid-19[6,7].
Ainsi, l’objectif de la présente étude était de déterminer les caracteristiques radio-cliniques et biologiques et évolutives des patients Covid-19 durant le pic de l’épidémie.
I- METHODES
Une étude de cohorte prospective de 109 patients était menée auprès des patients hospitalisés pour Covid-19 confirmés par PCR ou analyse sérologique. Les caractéristiques générales, les données cliniques, biologiques et radiologiques, le type de traitement reçu et la durée de l’hospitalisation étaient recueillis.
Les données cliniques suivantes étaient collectées : âge (an), sexe, tabagisme actif, notion de contact avec un cas suspect ou confirmé de la Covid-19, délai diagnostic (intervalle entre la date d’apparition des symptômes et la date d’hospitalisation), antécédents médicaux des patients, durée de séjour à l’hôpital. La SpO2 à l’admission était déterminée au repos et à l’air ambiant.
Un prélèvement sanguin était réalisé afin de déterminer les données suivantes: numération formule sanguine (NFS) [hémoglobine (g/dl), leucocytes (103/mm3), formule leucocytaire (103/mm3) [polynucléaires neutrophiles, éosinophiles et basophiles (PNN, PNE, PNB, respectivement), lymphocytes et monocytes], plaquettes (103/mm3)], CRP (mg/L), vitesse de sédimentation à la première heure (VS, mm), fonction rénale (urée (g/l), créatinine (mg/l)), fonction hépatique (transaminases (UI/L), phosphatase alcaline (PAL, UI/L)), ionogramme sanguin (kaliémie et natrémie, (mmol/l)), taux de prothrombine (TP), créatine phosphokinase (CPK) et LDH. Les analyses étaient réalisées selon les méthodes habituelles du service de biologie de l’hôpital Rouiba d’Alger.
Une TDM thoracique, sans produit de contraste, était réalisée. Des évaluations visuelles semi-quantitatives des images tomodensitométriques étaient réalisées par un radiologue expérimenté.
II- Résultats :
A- Profil clinique :
Au total il s’agit de 109 patients, 55 hommes (50,45%) et 54 femmes (49,54%). L’âge moyen était de 52,53 ans avec un pic de fréquence entre 60 et 80 ans (32,11%). Notion de contage a été retrouvée dans 49,54%, Le tabagisme a été retrouvé dans 15,60% des cas, la moyenne du délai diagnostic était de 8,8 jours Les comorbidités étaient retrouvées dans 65% des cas : HTA dans 27,52%, diabète sucré dans 22%, une pathologie respiratoire (asthme, BPCO et allergie respiratoire) dans 9,17%, cardiopathie dans 8,25%, pathologie thyroïdienne 7,3% et une néoplasie dans 2,7% des cas.
Les plaintes cliniques étaient dominées par l’asthénie et la fièvre retrouvées dans 72,47% des cas et la toux dans 65,13% des cas, autres signes cliniques : douleurs musculaires et anorexie dans 50,45%, céphalée dans 45%, agueusie dans 44,03%, anosmie dans 37,61%, diarrhée dans 32,11%, douleurs thoraciques dans 15,6% et vertige dans 11,92% des cas.
Quelques signes cliniques rares ont été observés : atteinte oculaire dans 6,42% (07 cas), atteinte cutanée dans 2,7% (03 cas) et hémoptysie dans 01 cas.
B- Profil biologique :
Les anomalies biologiques les plus fréquentes étaient : syndrome inflammatoire biologique (VS et/ou CRP augmentée) dans 60,55%, basocytémie (taux de PNB >150) retrouvée dans 39,44%, lymphopénie (taux de lymphocytes < 1000) retrouvée dans 34%, augmentation de la LDH (marqueur de dommage tissulaire (nécrose, hypoxie, hémolyse, infarctus du myocarde[8]) dans 24,77%, anémie dans 23,85%, et une cytolyse hépatique (taux d’ASAT et/ou ALAT >50) retrouvée dans 17,43%, augmentation de CPK (marqueur de myolyse [9]) retrouvée dans 13,76%, hyponatrémie dans 14,67%, hyper-urémie (10,1%) et un TP (< 70% était qualifié de diminué[10]) dans 11,92%.
Tous les cas étaient confirmés soit par un test rapide (sérologie IgM et/ ou IgG positive) dans 80,73% ou un test d’acide nucléique SRAS-CoV-2 par écouvillonnage naso-pharyngée ou d’autres échantillons des voies respiratoires supérieures (PCR positive) dans 36,7%.
C- Profil radiologique :
Les signes TDM les plus fréquents étaient : verre dépoli retrouvée dans 87,15%.
Et condensations alvéolaires retrouvées dans 54,12%.
L’extension des lésions radiologiques était évaluée dans chaque lobe selon une échelle allant de 0 à 5 [15]: 0 (pas de signe TDM) retrouvé dans 6,4%, 1 (atteinte < 10%) retrouvée dans 26,6%, 2 (atteinte de 10-25%) retrouvée dans 34,86%, 3 (atteinte de 25-50%) retrouvée dans 21,1%, 4 (atteinte de 50-75%) retrouvée dans 4,6% et 5 (atteinte > 75%) non retrouvé e dans notre échantillon.
L’angioscanner thoracique a révélé 02 cas d’embolie pulmonaire.
D- Traitements reçus et durée d’hospitalisation :
Le protocole thérapeutique recommandé par le ministère de la santé Algérienne[11] comportant l’association «hydroxychloroquine- azithromycine» était noté. Le traitement de base était l’association «Chloroquine – Azithromycine – Zinc – Vitamine C» et selon la sévérité de la pathologie deux types de traitements étaient identifiés:
Traitement de base et enoxaparine à titre préventif utilisés dans 27,52%
Traitement de base, enoxaparine à titre curatif, double antibiothérapie et ± une corticothérapie utilisée dans 72,5% des cas dans note échantillon.
L’oxygénothérapie était prescrite chez 15,6% des patients et la moyenne de la durée d’hospitalisation était de 7,6 jours.
E- Profil évolutif :
Parmi un échantillon de 109 patient on a suivi 70 patient après la fin du TRT
On note une bonne évolution avec disparition totale des signes cliniques dans 40 cas (57,14%), une persistance de signes cliniques dans 27 cas (38,57%), la toux et l’asthénie sont les signes cliniques dominants les plus retrouvés (08 cas), 02 patients ont été transférés au service de réanimation et 02 patients sont décédés.
III– Discussion :
- Le profil clinique des patients Algériens atteints de Covid-19 était un homme non-fumeur, âgé de 53 ans, qui était dans 50% des cas en contact avec un cas suspect/confirmé de Covid-19, et qui avait un délai diagnostic de 09 jours. Il s’agissait dans 65% des cas d’un patient ayant au moins une comorbidité.
Les plaintes cliniques étaient dominées par la triade « asthénie-fièvre-toux » présente dans plus de 70% des cas.
Les anomalies biologiques les plus fréquentes étaient : syndrome inflammatoire biologique (61%), basocytémie (39%), lymphopénie (34%), dommage tissulaire (25%).
Les signes radiologiques les plus fréquents étaient: verre dépoli (87%), condensations alvéolaires (54%), verre dépoli en plage (52%) et verre dépoli nodulaire (31%).
L’évolution de COVID 19 était bonne dans la majorité des cas (57%)
- Dans la présente étude, la moyenne d’âge était de 53 ans. D’une part, ces données sont intermédiaires avec celles rapportées dans quelques études où la médiane d’âge variait de 44 à 57.
Les comorbidités sont des facteurs de risque possibles d’augmentation de la sévérité du Covid-19. Dans cette étude, 70% des patients avaient au moins une comorbidité et l’HTA était la comorbidité la plus fréquente. Dans l’étude Tunisienne, 80% des patients avaient une pathologie chronique, et l’HTA était la comorbidité la plus fréquente (55%).
Dans cette étude, les plaintes étaient dominées par la triade «asthénie-fièvre-toux». Dans les études similaires, les signes cardinaux du Covid-19 associaient une fièvre (88,7-100%), une toux (67,8-85%), des expectorations (23-41,3%) et une dyspnée (18,7-85%).
- Selon la littérature, les formes symptomatiques du Covid-19 s’accompagnaient de diverses modifications biologiques différentes d’une étude à une autre. En effet, différentes fréquences étaient rapportées: SIB (en particulier une CRP augmentée, 35-85,6%), lymphopénie (40-83,2%, dommage tissulaire (41-98%), anémie (0-15%), myolyse (4,5-13,7%), cytolyse hépatique (15-31%), hyponatrémie (2,5-50%), hyper-urémie (4,5%), TP diminué (2,1-94%).
- La TDM à une place prépondérante dans le diagnostic initial et l’évaluation de l’extension de l’atteinte respiratoire. Etant donné le caractère non spécifique des signes radiologiques, la TDM thoracique est préconisée en cas de probabilité pré-test élevée (par ex ; devant des signes cliniques évocateurs chez un patient hospitalisé présentant une forme sévère du Covid-19). Les fréquences des signes radiologiques notées dans cette étude sont intermédiaires avec celles observées dans la littérature. En effet, dans les études similaires, les fréquences des signes radiologiques étaient très variables: verre dépoli (56,4-97,6%), opacités linéaires (65,1%), foyer de condensation (33,3-63,9%), épaississements des septa inter-lobulaires (62,7%), condensations alvéolaires bilatérales (51,8-55,5%).
- L’association «chloroquine-azithromycine» est un protocole thérapeutique adopté par de nombreux pays. A titre d’exemple, 75% des patients Tunisiens recevaient cette association. La prescription de la chloroquine est critiquée, et une récente étude a même montré son inefficacité. De même, dans la présente même étude, avant leur admission, 35% des patients recevaient une antibiothérapie à large spectre. Dans un souci de standardisation de la prise en charge thérapeutique, le schéma thérapeutique était adapté à la sévérité de l’atteinte. L’évaluation des résultats est en cours. L’oxygénothérapie était prescrite chez 12,8% des patients Algériens. Cette fréquence est nettement inférieure à celle rapportée dans la littérature [90, 48,7, 41,3, 21] La moyenne de la durée d’hospitalisation de cette étude (7 jours) est plus basse que celle rapportée dans la littérature [9, 10], (14 jours).
IV- Conclusion :
Le 12 mars 2020, l’OMS a déclaré le Covid-19 comme une pandémie.
L’analyse des caractéristiques clinique, biologique et radiologique des patients Covid-19 de par le monde, a permis d’observer une sémiologie riche, différente d’un pays à un autre
REMERCIEMENTS.
Les auteurs dédient cet article aux personnes qui ont consacré leurs vies pour lutter contre le coronavirus, et à tous les professionnels de la santé qui ont pris soins des patients Covid-19.
Bibliographie :
1/ National health commission of the People’s Republic of China (2020) The latest situation of new coronavirus pneumonia. https://www.nhc.gov.cn/xcs/yqfkdt/202002/4a1b1ec6c03548099de1c3aa935d04fd.shtml.
2/ Novel Coronavirus (2019-nCoV) situation reports. https://www.who.int/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/situation-reports Consulté le 16 mai 2020.
3/ Wu Z, McGoogan JM. Characteristics of and Important Lessons From the Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) Outbreak in China: Summary of a Report of 72314 Cases From the Chinese Center for Disease Control and Prevention. JAMA. 2020;323(13):1239-42. Epub 2020/02/25. doi: 10.1001/jama.2020.2648. PubMed PMID: 32091533.
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