L’INFIRMIER ET LES SOINS CHEZ UN TRAUMATISE DU RACHIS CERVICAL

RÉSUME

La Neurotraumatologie constitue un motif très fréquent des consultations aux urgences. La prise en charge d’un rachis traumatique est une prise en charge multidisciplinaire nécessitant la coopération de toutes les équipes soignantes

L’infirmier se trouve en première ligne devant les urgences de neurotraumatologie et la réussite de la prise en charge du traumatisme rachidien passe par la coopération de l’équipe multidisciplinaire composée de chirurgiens, d’anesthésistes, d’infirmiers…

L’infirmier qui est présent depuis la phase pré-hospitalière joue un rôle très important dans la prise en charge de ce type de pathologie et sa participation active conditionne le pronostic et le devenir des patients.

Mots clés : neurotraumatologie,traumatisme du rachis cervical, polytraumatisme                  

Les traumatismes du rachis cervical supérieur constituent une urgence neurochirurgicale. Les particularités anatomiques du rachis cervical supérieur et de son hypermobilité le rendent vulnérable aux lésions traumatiques. Les traumatismes du rachis cervical supérieur constituent une pathologie grave et le pronostic vital est mis en jeu d’où la nécessité d’un diagnostic précoce et d’une prise en charge rapide et adéquate qui commence déjà par le ramassage, l ’immobilisation soigneuse sur les lieux de l’accident et le transport vers l’hôpital.

1- Notions de base pour comprendre la maladie

a) Anatomie du rachis cervical : (Fig.1)

Le rachis cervical est divisé en deux partie le rachis cervical supérieur (RCS) qui est formé de deux vertèbres : l’atlas C1 et l’axis C2. L’atlas (C1) est constitué d’un arc antérieur et d’un arc postérieur reliés entre eux par des masses latérales.

L’axis (C2) comporte en avant un corps vertébral surmonté de l’odontoïde.

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Le rachis cervical inférieur (RCI), formé par des vertèbres C3 à C7. Le corps vertébral se prolonge latéralement par les processus transverses et en arrière par les pédicules, les processus articulaires, les lames puis le processus épineux.

A chaque étage, la stabilité est assurée par le segment mobile rachidien : ligament longitudinal antérieur, disque intervertébral, ligament longitudinal postérieur, capsules articulaires, ligament jaune et ligaments interépineux.

b) Physiopathologie

On divise habituellement les lésions traumatiques du rachis en lésions stables et lésions instables. Les lésions instables sont celles qui exposent au risque de déplacement intervertébral et de compression médullaire. Cette instabilité peut être d’origine osseuse ou disco-ligamentaire.

Les lésions du rachis cervical peuvent être schématiquement classées selon le mécanisme incriminé par : compression ; hyperflexion ou hyperextension.

Dans les accidents de plongeon, la compression axiale est associée à une flexion du rachis cervical. Il en résulte des fractures (tear drop fracture) fréquemment responsables de compression médullaire. Les traumatismes en hyperflexion peuvent être à l ’origine d’une entorse bénigne (en général simple, étirement des ligaments postérieurs), d’une entorse grave (rupture des ligaments postérieurs) ou d’une luxation bilatérale.

Le traumatisme cervical en coup de fouet (Whiplash injury) est également dénommé coup du lapin. Il s’agit d’un traumatisme indirect par accélération décélération associant hyperflexion et hyperextension. Il concerne

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essentiellement les passagers d’un véhicule heurtés à l’arrière par un second véhicule.

2- Stratégie diagnostique dans le traumatisme du rachis cervical

a) L’examen clinique

Il est admis que tout traumatisé crânien et tout polytraumatisé est un traumatisé vertébro-médullaire jusqu’à preuve du contraire.

L’examen clinique est réalisé après traitement d’une défaillance vitale hémodynamique et/ou respiratoire car le traumatisme du rachis cervical présente fréquemment une détresse respiratoire et/ou hémodynamique associée.

L’interrogatoire doit rechercher les circonstances et mécanismes du traumatisme.

Les accidents de la route et les chutes sont les principaux causes de la lésion du rachis cervical (4,5) . Certains mécanismes, comme les accidents de plongeons, sont particulièrement à risque (6).

Les lésions rachidiennes sont suspectées devant l’existence de troubles de la conscience et la présence des lésions associées (5) , accidents de voiture à grande vitesse (> 100 km/h)(6) , éjection du véhicule, des chutes avec des traumatismes en hyperflexion ou hyperextension(8) ou bien encore chez un sujet âgé(9) .

L’interrogatoire recherche également les symptômes évocateurs de lésions rachidiennes traumatiques : cervicalgies, sensation de craquement, sensation d’instabilité, paresthésies…

Un examen neurologique rigoureux doit par ailleurs être effectué. Il recherche en particulier des signes d’atteinte médullaire ou radiculaire et en précise le niveau. Le score ASIA est le plus couramment utilisé et les données sont consignaient ce qui permet d’en apprécier ultérieurement l’évolutivité . (Fig2)

L’examen clinique doit également déterminer l ’existence d’une douleur cervicale spontanée ou provoquée par la palpation des processus épineux. Lorsque la probabilité de lésion traumatique est très faible, ce qui signifie notamment qu’il n’existe pas de douleur en regard des processus épineux, l’évaluation prudente des amplitudes articulaires est envisageable à la phase aiguë (7) .

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b) Examen radiologique

Malgré le recours aux radiographies conventionnelles pour la détection des lésions du rachis cervical ; leur sensibilité est médiocre . Le bilan radiographique doit comprendre les incidences suivantes : face, profil et face bouche ouverte centrée sur la charnière cervio-occipitale («odontoïde bouche ouverte»).

L’absence de détection d’une lésion instable pouvant avoir des conséquences neurologiques dramatiques, l ’interprétation correcte de ces clichés est essentielle

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Les radiographies conventionnelles permettent d’identifier les lésions instables suivantes  : fracture  comminutive  du  corps vertébral  (burst fracture) –  tear drop fracture  – entorse grave  – luxation unilatérale ou bilatérale.

Leur  interprétation doit être  effectuée à  la lumière de  l’examen clinique et, lorsqu’il  existe un  doute   diagnostique, il  ne  faut pas hésiter  à  recourir aux autres examens d’imagerie.

Le scanner cervical est l’examen de  référence pour  la détection des lésions osseuses rachidiennes avec  une  sensibilité proche de 100 %(12). Sa  sensibilité est  supérieure  à  celle  des  clichés  radiographiques(13).  Leur  normalité  ne permet pas d’éliminer avec  certitude certaines lésions instables du  segment mobile rachidien.

Les clichés radiographiques dynamiques et  l’IRM (qui est l’examen de  choix pour l’exploration des parties molles) ont pour objectif de combler ce manque.

Afin de  ne  pas retarder une  éventuelle chirurgie de  décompression, Chez  les patients  présentant des  signes  neurologiques  évocateurs  de   compression médullaire, l’IRM est  indiquée en première intention.

Chez    les   patients  intubés   ou   présentant  des  troubles   de   la  vigilance, l’évaluation clinique est peu  fiable. Il est plus prudent de réaliser une  IRM que le scanner, qui est la seule envisagée devant ces situations.

3-  Prise en charge thérapeutique du rachis traumatique (fig. 6)

L’immobilisation du  rachis  cervical  doit  précéder tout  geste de  mobilisation chez  tout  patient suspecté d’avoir une  lésion rachidienne, chez    les patients polytraumatisés, victimes d’un traumatisme crânien ou présentant des troubles de  la vigilance dans le but d’éviter toute  aggravation d’une  lésion rachidienne instable(15).

L’emploi   d’un   collier   cervical   rigide   et   d’un   matelas   à   dépression   est recommandé par  l’ensemble des sociétés savantes spécialisées, et  certains auteurs conseillent  l’utilisation d’un  dispositif  global  d’immobilisation(8,16)   qui comporte un  plan dur,  un  collier cervical, un  fixateur de  tête  et  des sangles réparties du front au bassin(17).

La prise en charge précoce de ces patients vise à traiter les détresses respiratoires et/ou hémodynamiques associées au traumatisme du rachis cervical. En effet, la compression médullaire résultant d’une lésion instable du rachis   cervical   expose  au   risque   de   détresse  respiratoire   et   de   choc neurogénique.  La pression artérielle moyenne doit être  maintenue  au-dessus de 80 ou 85 mmHg selon les auteurs(8, 18).

Il  faut  savoir  que le pronostic  neurologique  semble  corrélé  au   délai  de décompression(19). Et par conséquent la décompression médullaire doit s’effectuer  précocement, habituellement  dans les  24  premières  heures, voire en urgence(20).

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Pour les lésions rachidiennes instables le traitement est essentiellement chirurgical et la réalisation d’une arthrodèse est indispensable(21).

Pour   les  patients  nécessitants  des hospitalisations  de  longues  durées,  la surveillance du  patient relèvera les différentes phases d’évolutions soit vers l’amélioration ou l’aggravation.

L’évaluation  de  l’état  du  patient  concernera, l’évaluation  neurologique  ainsi que les fonctions vitales (l’état ventilatoire et l’état hémodynamique), les complications de décubitus sont  surveillés de plus près.

Figure 6 : diagramme  de CAT devant un traumatisme du rachis cervical  ( 22)

CONCLUSION

La prise en  charge des patients traumatisés du  rachis est l’exemple d’une prise en charge pluridisciplinaire puisqu’elle nécessite la coordination des différents corps de la santé (urgentistes, des anesthésistes-réanimateurs, des chirurgiens,  rééducateurs fonctionnels, paramédicaux, psychologues….). La  prise  en  charge adéquate, dès  le  ramassage et  le  transport  du  blessé  et  la coordination entre  le personnel  médical  et paramédical  est le garant pour  améliorer le pronostic et le devenir des traumatismes du rachis cervical supérieur.

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Références

1. Netter FH.  Atlas d’Anatomie Humaine. Section I: Tête et Cou (2011)

2.  Cusick J.F., Yoganandan N. Biomechanics of the cervical spine 4: major injuries. Clin Biomech,2002 ; 17(1) : 1-20.

3.  Yoganandan  N., Stemper B.D., Rao  R.D. Patient  mechanisms  of injury  in  whiplashassociated disorders. Seminars in spine surgery, 2013 ; 25(1) : 67-74.

4.  Leucht  P.,  Fischer  K., Muhr G, Mueller  E.J. Epidemiology  of traumatic  spine  fractures.  Injury,2009 ; 40(2) : 166-72.

5. Clayton J.L., Harris M.B., Weintraub S.L. et al. Risk factors for cervical spine injury. Injury, 2012; 43(4) : 431-5.

6. Ravaud  J.F.,  Delcey  M.,  Desert J.F.  The  Tetrafigap  Survey   on  the  long-term  outcome  of tetraplegic spinal cord  injured persons, part  II: Demographic characteristics and  initial cause of injury. Spinal Cord, 2000 ; 38(3) : 164-72.

7.  Stiell  I.G.,  Wells  G.A., Vandemheen  K.L. et  al.  The  Canadian  C-spine  rule  for radiography  in alert and stable trauma patients. JAMA, 2001 ; 286(15)  : 1841-8.

8.  Prise en  charge d’un blessé adulte présentant un traumatisme vertébromédullaire. Conférence d’experts.   Société   française   d’anesthésie   et   de    réanimation.   Texte    court,    2003.    http://www.sfmu.org/fr/formation/consensus.

9.  Fredø H.L., Rizvi S.A., Lied B., Rønning P.,  Helseth E. The  epidemiology of traumatic cervical spine  fractures:  a  prospective  population  study from  Norway.  Scand J Trauma Resusc Emerg Med, 2012 ; 20 : 85.

10. Hadley M.N., Walters  B.C., Aarabi B. et al. Clinical assessment following acute cervical spinal cord injury. Neurosurgery, 2013 ; 72 Suppl 2 : 40-53.

11. Holmes  J.F.,  Akkinepalli  R.  Computed  tomography versus  plain  radiography  to  screen  for cervical spine injury: a meta-analysis. J Trauma, 2005 ; 58(5) : 902-5.

12. Bailitz  J., Starr  F.,  Beecroft  M. et  al.  CT should  replace  three-view  radiographs  as the  initial screening  test in  patients  at  high,  moderate, and  low  risk  for  blunt  cervical  spine  injury:  a prospective comparison. J Trauma, 2009 ; 66(6) : 1605-9.

13.  Dosch J.C. Traumatologie du rachis. Issy-Les-Moulineaux, Elsevier Masson, 2012 : 239 p.

14.  Toscano J. Prevention of neurological deterioration before admission to a spinal cord injury unit. Paraplegia, 1988 ; 26(3) : 143-50.

15. Theodore N.,  Hadley  M.N.,  Aarabi  B.  et  al.  Prehospital  cervical  spinal  immobilization  after trauma. Neurosurgery, 2013 ; 72 Suppl 2 : 22-34.

16. Graesslin  S.,  Hssain  I.,  Barrière  R.,  Mahler  S.,  Trabold  F.,  Rottner  J. Prise  en  charge des traumatismes  du  rachis  en  urgence. Société  Française  de  Médecine  d’Urgence.  Urgences 2008. http://www.sfmu.org/urgences2008/donnees/pdf/087_graesslin

17. Casha S.,  Christie  S.  A systematic  review  of  intensive  cardiopulmonary  management after spinal cord injury. J Neurotrauma, 2011 ; 28(8) : 1479-95.

18.  Fehlings M.G., Vaccaro A., Wilson J.R. et al. Early versus delayed decompression for traumatic cervical  spinal  cord  injury:  results  of  the  Surgical  Timing  in  Acute  Spinal  Cord  Injury  Study (STASCIS). PLoS One,  2012 ; 7(2) : e32037.

19. Fehlings  MG, Perrin  RG.  The  role  and  timing  of early  decompression  for cervical  spinal  cord injury: update with a review of recent clinical evidence. Injury, 2005 ; 36 Suppl 2 : B13-26.

20. Rolland E., Saillant G. Les entorses du rachis cervical. Science & Sports, 1999 ; 14(1) :22 . Rousseau MA, Pascal-Moussellard H, Lazennec  JY, Catonné Y. Évaluation  et orientation thérapeutique  devant  un  traumatisme   du  rachis   cervical.   EMC  Traité   de   Médecine   Akos 2012;0(0):1-7 [Article 2-0608].

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